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Les Cahiers d’Hermès
Jean Richer – Fontes desconhecidas de Gérard de Nerval (4)
Dir. Rolland de Renéville
segunda-feira 7 de julho de 2025
Pour préciser la nature et l’étendue des emprunts que Gérard de Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) a faits à l’abbé Terrasson, nous placerons en lecture parallèle des extraits correspondants du Voyage en Orient (texte de l’édition H. Clouard, le Divan, 1927) et de Sethos (Edition en deux volumes, 1767, livre III).
"Voici quelques passages relatifs aux épreuves élémentaires :
Sethos (livre III) | Voyage en Orient Ch. : « La plate-forme » |
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P. 141 : Ils rencontraient enfin dans le mur, à droite, ou du’côté du Midi, une petite porte toute de fer qui était fermée et, deux pas plus loin, trois hommes armés d’un casque qui était chargé d’une tête d’Ànubis. | P. 395 : ... A cent pieds environ de profondeur, il rencontrait l’entrée d’une galerie fermée par une grille, qui s’ouvrait aussitôt devant lui. Trois hommes paraissaient aussitôt, portant des masques de brome à l’imitation de la face d’Anubis, le dieu-chien. |
P. 142 : Un moment après, l’aspirant apercevait, à l’extrémité de son chemin, une lueur de flamme très blanche et très vive qui venait de s’allumer... A droite et à gauche... étaient deux bûchers, ou pour mieux dire c’étaient des bois plantés debout fort près les uns des autres, autour desquels étaient entortillées, en forme de pampres de vigne, des branches de baume arabique, d’épine d’Egypte et de tamarin... cette flamme... donnait à l’espace qu’elle occupait toute la ressemblance d’une fournaise ardente. | P. 396 : Dès que l’on mettait le pied dans l’allée principale, tout s’illuminait à l’instant et produisait l’effet d’un vaste incendie. Mais ce n’était rien que des pièces d’artifice et des substances bitumeuses entrelacées dans des rameaux de fer. |
p. 144 : Le sol était un pont-levis qui tenait par de fortes pentures à des gonds scellés dans la plus haute marche de l’arcade... Les murs... servaient d’appuis aux moyeux de deux grandes roues (d’airain)... | P. 396 : ... une immense agitation des eaux, déterminée par le mouvement de deux roues gigantesques. |
Pp. 143-144 : Un canal de plus de cinquante pieds de large... (Sethos) descendit dans le canal qu’il traversa à la nage. | P. 396 : Au-delà se trouvait une rivière qu’il fallait traverser à la nage. |
P. 145 : Au linteau de la porte étaient aussi attachés deux gros anneaux d’acier polis... | P. 397 : ... il devait avoir la présence d’esprit de saisir deux anneaux d’acier. |
Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) suit donc pas à pas l’enchaînement des épreuves d’après Sethos en condensant le texte de l’abbé Terrasson (huit pages de Sethos donnent deux pages du Voyage) et en altérant certains détails. Dans le chapitre « Les Epreuves », il résumera en quelques lignes la longue digression de l’abbé sur Orphée, mais l’inspiration du passage n’est pas douteuse :
Sethos | Voyage en Orient |
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P. 156 : (Orphée) entra dans le chemin étroit. Il subit courageusement les épreuves du feu et de l’eau. Mais au bruit des roues et au mouvement du pallier ou du pont-levis, il n’eut pas la présence d’esprit de s’attacher aux anneaux... | P. 404 : Orphée eut encore moins de succès que Moïse; il manqua la quatrième épreuve dans laquelle il fallait avoir la présence d’esprit de saisir les anneaux suspendus au-dessus de soi, quand les échelons de fer commençaient à manquer sous les pieds... |
Le schéma général et de nombreuses particularités essentielles se retrouvent dans les deux textes : la filiation de l’un à l’autre semble établie.
Pour le chapitre « Les Epreuves », Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) résume en quelques paragraphes vingt-trois pages de Sethos relatives à l’instruction de l’initié qui avait triomphé des épreuves élémentaires. Il semble s’attacher plus spécialement aux indications numériques relatives aux étapes successives de cette période de l’initiation.
Sethos (livre III) | Voyage en Orient Ch. : « Les épreuves » |
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P. 161 : La purification de l’âme consistait en deux parties : l’invocation et l’instruction. | |
P. 164 : Outre cela, tous les prêtres destinés aux instructions sacrées étaient obligés de le recevoir dans leurs cabinets à quelque heure qu’il se présentât dans les intervalles de ses exercices. Cette liberté durait quarante-deux jours. | P. 399 : Il lui fallait encore se purifier par un jeûne de quarante et un jours. Pendant cette longue pénitence, l’initié pouvait converser, à de certaines heures, avec les prêtres et les prêtresses. |
P. 165 : Lorsque le soir du quarante-deuxième jour était arrivé, on avertis sait l’Aspirant que le, lendemain il entrerait dans un silence de dix-huit jours complets. | P- 400 : Il avait encore à subir dix-huit jours de retraite. |
P. 169 : Ils venaient pour lui reprocher... les dispositions défectueuses ou vicieuses qu’ils avaient remarquées ou dans ses discours ou dans ses manières. | P- 400 : Ensuite, on lui faisait subir un examen où toutes les actions de sa vie étaient analysées et critiquées. Cela durait encore douze jours. |
P. 171 : (Vers le soir du dernier jour de silence) les prêtres l’avertissaient qu’à commencer du lendemain on lui donnerait douze jours pour recueillir par écrit ou dans sa mémoire ce qu’il avait appris dans les conférences qu’il avait entendues ou dans les lectures qu’il avait faites. | |
P. 178 : Le lendemain de ces douze jours étant arrivé, le Grand-Prêtre suivi de plusieurs autres entra dans l’appartement de Sethos un moment après qu’il fut levé... Il lui dit : Mon fils, je viens proposer les trois questions auxquelles vous devez répondre dans neuf jours... Vous coucherez pendant ces neuf jours dans le sanctuaire, derrière la statue des trois divinités, afin que la déesse Isis vous instruise s’il se peut dans vos songes mêmes. On lui fera tous les jours, à votre réveil et avant que les portes du Temple soient ouvertes au peuple, un sacrifice pour la prier de répandre la sagesse dans votre âme. |
P. 400 : Puis on le faisait coucher neuf jours encore derrière la statue d’Isis, après avoir supplié la déesse de lui apparaître dans ses songes et de lui inspirer la sagesse. |
Examinons les indications numériques fournies par les deux auteurs : Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) modifie Fun des nombres indiqués par l’abbé Terrasson : 41 au lieu de 42.
Si l’on transcrit ces nombres en lettres conformément aux données traditionnelles, en attribuant aux lettres la valeur numérique qu’elles ont dans l’alphabet hébreu, on obtient pour les passages cités ci-dessus :
Sethos : 40 + 2 + 9 + 9 + 6 + 6 + 9 = MAAT TOOT
Voyage en Orient :40+ 1 + 9 + 9 + 6 + 6 + 9 = M AT TOOT
Comme l’on sait, dans la religion de l’antique Egypte, Maat à la plume d’autruche, c’est la Vérité. Thot, le cynocéphale, symbolise la sagesse d’Hermès. Sur de très nombreux documents de la civilisation égyptienne, Maat et Thot sont figurés côte à côte participant au jugement de l’ûme du défunt.
A la page 18 du Carnet du Voyage en Orient, de Gérard de Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) (publié par P. Martino, Revue de Littérature comparée, janvier 1933), on trouve sur une ligne : « Thot. Thoot. Hermès », dans une liste des Divinités de l’Amenti.
L’orthographe Thoot était donc familière à Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) .
Thot joue un grand rôle dans le psychisme nervalien, parce que c’est un Dieu à la fois initiateur et infernal. Plusieurs des auteurs consultés par Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) lui consacrent des développements : Court de Gebelin dit que Thot signifie signe, Lacour, dans L’essai sur les hiéroglyphes égyptiens précise que le mot désignait une colonne ou une pierre dressée et fait le rapprochement du nom de Thot avec ceux des dieux Seth et Thor.
Dom Calmet et Paucton parlent longuement de Thot. Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) était donc spécialement renseigné sur le dieu que les Egyptiens représentaient par un cynocéphale adorateur du soleil, inséparable de MAAT à la plume d’autruche, droite comme un I de vérité; il l’identifiait à Hermès Trismégiste, maître des Sciences et des Arts, le grand initiateur invoqué des adeptes et à « Henoch que l’Egypte appelle Hermès, que l’Arabie honore sous le nom d’Edris » [1].
Cette identification de Seth, Enoch, Hermès et Thot, se trouve dans la Bibliothèque orientale de d’Herbelot (articles « Sabi »-« Edris (Enoch) »-« Hermès »).
Par ailleurs, Martines de Pasqually déclare dans le Traité de la Réintégration : « Le Créateur instruisit lui-même par la voix de son envoyé spirituel Héli le bienheureux homme Seth », de la vertu des nombres (Le Forestier, p. 48).
Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) , à la suite de Martines trouvera dans l’Arithmosophie la justification d’une cosmologie mystique.
Dans ces conditions, il pourra sembler difficile d’interpréter le changement de 42 en 41 opéré par Gérard de Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) . Cette modification peut cependant préciser une intsolion. En effet, 1 — A sans aucun doute possible, tandis que 2 = 1 + 1 = AA, mais peut s’écrire aussi B. Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) a peut-être préféré une inexactitude phonétique (A bref au lieu de A long) à une possibilité d’erreur.
Pareil changement serait le fait d’un esprit curieux d’ésoté-risme, non pas d’un véritable adepte. Car, ce faisant, Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) renonce au total 42 + 18 + 12 + 9 = 81 (carré de 9 et somme des chiffres égale à 9). Kircher (Arithmologia) donne un carré magique de la Lune construit sur la suite des nombres de 1 à 81.
Peu après, comme pris de remords, dans Quintus Aucler (paru en novembre 1851, ensuite incorporé aux Illuminés), Nerval Nerval Gérard de Nerval (1808-1855) étale une science toute neuve des propriétés remarquables du nombre 9, dont il fait l’éloge en ces termes :
Les âmes aiment le nombre 9; 9 est celui de la génération parce qu’elles espèrent toujours rentrer dans le monde, le nombre 9 est particulièrement générateur et mystique : multipliez-le par lui-même, vous trouverez toujours 9 (18, par exemple : 1 et 8 = 9), 3 fois 9 = 27 (2 et 7 = 9), 4 fois 9 = 36 (3 et 6 = 9), 5 fois 9 = 45, ainsi de suite...
Cette science lui vient de Pasqually, qui commente longuement les particularités du « Nombre neuvaine » :
Au sujet du nombre neúvaine, je dirais donc qu’il n’est point étonnant que les esprits majeurs pervers et leurs agents se tiennent de préférence et plus volontiers à la forme corporelle de l’homme qu’à toute autre, puisque cette forme humaine avait été premièrement destinée pour eux...
C’est donc de ces trois personnes (Caïn et ses deux sœurs), possédées du prince des démons, que nous sortons, comme je l’ai dit, le nombre neuvaine de matière; savoir : en additionnant les trois principes spiritueux et essences premières, leurs trois vertus et leurs trois puissances démoniaques...
Mais pour vous convaincre que le nombre neuvaine de matière sort de ces mineurs, il ne faut que voir leur première opération démoniaque, et comme ils ont perpétué leurs opérations criminelles jusqu’au juste châtiment que le Créateur exerça sur toute leur postérité, châtiment que l’Écriture nous fait connaître en nous apprenant que l’Éternel frappa toute la terre et ses habitants par le fléau des eaux, et que, par ce moyen, la postérité coupable de ces trois mineurs, ainsi que les hommes qu’ils avaient séduits furent anéantis. C’est depuis cette époque que le nombre neuvaine est parvenu à la connaissance, de même que la mystérieuse addition qui suit :
3 | Additionnez le produit de tous ces nombres qui est 27, vous y trouverez 2 et 7 font 9. |
3 | |
3 | |
— | |
3 | |
3 | Multipliez 27 par 9, cela vous rendra toujours 9. |
3 | |
— | |
27 | |
3 | Si vous multipliez ce produit à l’infini, il vous reviendra toujours 9 [2]. |
3 | |
3 | |
— | |
27 |
Ces considérations sur le nombre 9 étroitement associées au Caïnisme, sont caractéristiques du système de Pasqually, qui semble les avoir empruntées à quelque source hébraïque non identifiée (peut-être Philon ou le Sepher-Ha-Zohar). Une certaine filiation entre le martinésisme et la pensée nervalienne paraît donc probable [3].

Ver online : Jean Richer
Les Cahiers d’Hermès. Dir. Rolland de Renéville. La Colombe, 1947
[1] Voyage en Orient, tome III, p. 214.
[2] Le Traité de la Réintégration, éd. Chacornac, 1899, pp. 87-88. Cet ouvrage circulait en manuscrit du vivant de Nerval.
[3] Ces pages sont extraites de l’ouvrage de Jean Richer, Gérard de Nerval et les doctrines ésotériques, à paraître prochainement aux Éditions du Griffon d’Or.