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Dictionnaire de la Littérature Chrétienne
FAUST
Légende de Faust par Widmann
quarta-feira 10 de outubro de 2007
Comme inventeur de l’imprimerie et comme ayant publié et répandu en Europe les premières éditions de la Bible, Jean Faust mérite d’être mentionné dans le Dictionnaire de littérature religieuse. Son nom appartient d’ailleurs à la poésie des légendaires, et a été popularisé parle drame allégorique de Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) .
La damnation.
Les vingt-quatre ans du docteur Faust étaient terminés, quand en la dernière semaine l’Esprit lui apparut. Il le somma sur son écrit et promesse, qu’il lui mit devant les yeux, et lui dit que le diable, la seconde nuit d’après, lui emporterait sa personne, et qu’il en fût averti.
Le docteur Faust, tout effrayé, se lamenta et pleura toute la nuit. Mais son esprit lui ayant apparu, lui dit : Mon ami, ne sois point de si petit courage : si tu perds ton corps, il n’y a pas loin d’ici jusqu’à ce qu’on te fasse jugement. Néanmoins tu mourras à la fin, quand môme tu vivrais cent ans : Les Turcs, les Juifs, et les empereurs qui no sont pas chrétiens, mourront aussi, et pourront être en pareille damnation. Ne sais-tu pas bien encore qu’il t’est ordonné ? Sois de bon courage, ne t’afflige pas tant, si le diable t’a ainsi appelé, il te veut donner une âme et un corps de substance spirituelle, et tu n’endureras pas comme les damnés. Il lui donna de semblables consolations, fausses cependant et contraires à l’Ecriture Sainte. Le docteur Faust, qui ne savait pas comment payer autrement sa promesse qu’avec sa peau, alla, le jour susdit que l’Esprit lui avait prédit que le diable l’enlèverait, trouver ses plus fidèles compagnons, maîtres bacheliers et autres étudiants, lesquels l’avaient souvent cherché ; il les pria qu’ils voulussent venir avec lui au village de Romlique, situé à une demi-lieue de Wittenberg, pour s’y aller promener, et puis après prendre un souper avec lui, ce qu’ils lui accordèrent. Ils allèrent là ensemble, et y prenaient un déjeuner assez ample, avec beaucoup de préparatifs somptueux et superflus, tant en viandes qu’en vin que l’hôte leur présenta ; et le docteur Faust se tint avec eux fort plaisamment ; mais ce n’était pas de bon cœur. Il les pria encore derechef qu’ils voulussent avoir agréable d’être avec lui, et souper avec lui au soir, et qu’ils demeurassent avec lui toute la nuit, qu’il avait à leur dire chose d’importance; ils le lui promirent et prirent encore un souper. Comme donc le vin du souper fut servi, le docteur Faust contenta l’hôte, et pria les étudiants qu’ils voulussent aller avec lui, en un autre poêle, et qu’il avait la quelque chose à leur dire. Cela fut fait, et le docteur Faust parla à eux de la sorte.
Mes amis fidèles et du tout aimés du Seigneur, la raison pourquoi je vous ai appelés est que je vous connais depuis longtemps et que vous m’avez vu traiter de beaucoup d’expériments et incantations, lesquels toutefois ne sont provenus d’ailleurs que du diable, à laquelle volupté diabolique rien ne m’a attiré que les mauvaises compagnies qui m’ont circonvenu, et tellement que je me suis obligé au diable; à savoir, au dedans de vingt-quatre ans, tant on corps qu’en Ame. Maintenant ces vingt-quatre ans-là sont à leur lin jusqu’à cette nuit proprement, et voici à présent, l’heure m’est présentée devant les yeux, que je serai emporté : car le temps est achevé de sa course ; et il me doit enlever cette nuit, d’autant que je lui ai obligé mon corps et mon Ame, si sûrement que c’est avec mon propre sang.
Finalement, et pour conclusion, la prière amiable que je vous fais est que vous vouliez vous mettre au lit et dormir en repos, et ne vous mettez pas en peine si vous entendez quelque bruit à la maison, ne vous levez point du lit, car il ne vous arrivera aucun mal ; et je vous prie, quand vous aurez trouvé mon corps, que vous le fassiez mettre en terre ; car je meurs comme un bon chrétien, et comme un mauvais tout ensemble ; comme un bon chrétien, d’autant que j’ai une vive repentance dans mon cœur, avec un grand regret et douleur ; je prie Dieu de me faire grâce, afin que mon Ame puisse être délivrée. Je meurs aussi comme un mauvais chrétien, d’autant que je veux bien que le diable ait mon corps, que je lui laisse volontiers, et que seulement il me laisse avec mon âme en paix. Sur cela, je vous prie que vous vouliez vous mettre au lit, et je vous désire et souhaite la bonne nuit ; mais à moi, elle sera pénible, mauvaise et épouvantable.
Le docteur Faust fit cette déclaration avec une affection cordiale, avec laquelle il ne se montrait point autrement être affligé, ni étonné, ni abaissé de courage. Mais Tes étudiants étaient bien surpris de ce qu’il avait été si dévoyé, et que pour une science trompeuse, remplie d’impostures et d’illusions, il se fût ainsi mis en danger de s’être donné au diable en corps et en âme ; cela les affligeait beaucoup, car ils l’aimaient tendrement. Ils lui dirent : Ah ! monsieur Faust, où vous êtes-vous réduit, que vous ayez si longtemps tenu cela en secret, sans en rien dire, et ne nous ayez point révélé pi us tôt cette triste affaire? Nous vous eussions délivré de la tyrannie du diable par le moyen des bons théologiens. Mais maintenant c’est une difamie et une chose honteuse à votre corps et à votre âme. Le docteur Faust leur répondit : il ne m’a été nullement loisible de ce faire, quoique j’en aie eu souvent la volonté. Comme là-dessus un voisin m’avait averti, j’eusse suivi sa doctrine, pour me retirer de telles illusions et me convertir; mais alors que j’avais fort bien la volonté de le faire, le diable vint qui me voulut enlever, comme il fera cette nuit, et me dit qu’aussitôt que je voudrais entreprendre de me convertir à Dieu, il m’emporterait avec soi dans l’abîme des enfers.
Comme donc ils entendirent cela du docteur Faust, ils lui dirent : Puisque maintenant il n’y a pas moyen de vous garantir, invoquez Dieu, et le priez que, pour l’amour de son cher fils Jésus-Christ, il vous pardonne, et dites : Ah! mon Dieu ! soyez miséricordieux à moi, pauvre pécheur, et ne venez point en jugement contre moi ; car je ne puis pus subsister devant vous, et combien qu’il me faille laisser mon corps au diable, veuillez néanmoins garantir mon finie : s’il plaît à Dieu, il vous garantira. Il leur dit qu’il voulait bien prier Dieu, et qu’il ne voulait pas se laisser aller comme Caïn, lequel dit que ses péchés étaient trop énormes pour en pouvoir obtenir pardon. Il leur récita aussi comme il avait fait ordonnance par écrit de sa fosse pour son enterrement. Ces étudiants et bons seigneurs donnèrent le signe de la croix sur Faust pour se départir, pleurèrent et s’en allèrent l’un après autre.
Mais le docteur Faust demeura au poêle, et comme les étudiants s’allaient mettre au lit, pas un ne put dormir; car ils voulaient entendre l’issue. Mais, entre douze et une heure de nuit, il vint dans la maison un grand vent tempétueux qui l’ébranla de tous côtés, comme s’il eût voulu la faire sauter en l’air, la renverser et la détruire entièrement : c’est pourquoi les étudiants pensèrent être perdus, sautèrent hors de leurs lits, et se consolaient l’un l’autre, se disant qu’ils ne sortissent point de la chambre. L’hôte s’encourut avec tous ses domestiques en une autre maison. Les étudiants qui reposaient auprès du poêle, où était le docteur Faust, y entendirent des sifflements horribles et des hurlements épouvantables, comme si la maison eût été toute pleine de serpents, couleuvres, et autres bêtes vilaines et sales : tout cela était entré par la porte du docteur Faust dans le poêle. Il se leva pour crier à l’aide et au meurtre, mais avec bien de la peine et à demi voix ; et un moment après on ne l’entendit plus. Comme donc il fut jour, et que les étudiants, qui n’avaient point dormi toute la nuit, furent entrés dans le poêle, où était le docteur Faust, ils ne le trouvèrent plus, et ne virent rien, sinon le poêle tout plein de sang répandu : le cerveau s’était attaché aux murailles, d’autant que le diable l’avait jeté de l’un à l’autre. Il y avait là aussi ses yeux et quelques dents, ce qui était un spectacle abominable et effroyable. Lors les étudiants commencèrent à se lamenter et à pleurer, et le cherchèrent d’un côté et d’autre. A la fin ils trouvèrent son corps gisant hors du poêle, ce qui était triste à voir ; car le diable lui avait écrasé la tête et cassé tous les os.
Les susdits maîtres et étudiants, après que Faust fut ainsi mort, demeurèrent auprès de lui jusqu’à ce qu’on l’eût enterré au même lieu ; après, ils s en retournèrent à Wittenberg, et allèrent en la maison du docteur Faust, où ils trouvèrent son serviteur Wagner, qui se trouvait fort mal, à cause de son maître. Ils trouvèrent aussi l’histoire de Faust toute dressée et décrite par lui-même, comme il a été récité ci-devant, mais sans la fin, laquelle a été ajoutée des maîtres et étudiants. Semblablement au même jour, Hélène enchantée avec son fils d’enchantement ne furent plus trouvés depuis, mais s’évanouirent avec lui. Il y eut aussi, puis après dans sa maison, une telle inquiétude, que personne depuis n’y a pu habiter. Faust apparut à son serviteur Wagner, encore plein de vie, en la môme nuit, et lui déclara beaucoup de choses secrètes. Et même on l’a vu encore depuis paraître à la fenêtre, qui jouait avec quiconque y fût allé.
Ainsi finit toute l’histoire de Faust, qui est pour instruire tout bon chrétien, principalement ceux qui sont d’une tête et d’un sens capricieux, superbe, fou et téméraire, à craindre Dieu et à fuir tous les enchantements et tous les charmes du diable, comme Dieu a commandé bien expressément, et non pas d’appeler le diable chez eux et lui donner consentement, comme Faust a fait; car ceci nous est un exemple effroyable. Et tâchons continuellement d’avoir en horreur telles choses et d’aimer Dieu surtout; élevons nos yeux vers lui, adorons-le et chérissons-le de tout noire cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces : et à l’opposite, renonçons nu diable et à tout ce qui en dépend; et qu’ainsi nous soyons finalement Bienheureux avec Notre-Seigneur. Amen. Je souhaite cela à un chacun du profond de mon cœur. Ainsi soit-il.
Soyez vigilants et prenez garde; car votre adversaire le diable va autour de vous, comme un lion bruyant, et cherche qui il dévorera : auquel résistez, fermes en la foi. Amen.
Conclusion
Cette légende, comme on le voit, n’offre aucune donnée qui se rattachée l’invention de l’imprimerie dont Faust partage l’honneur avec Guttemberg et Schœffer : nous avons choisi la plus curieuse ; mais un grand nombre d’autres constatent ce détail et supposent que Faust s’était donné au diable pour réparer sa fortune, perdue dans les essais de son invention. Le plus ancien auteur qui ait parlé de ces documents, Conrad Durieux, pense que ces légendes ont été fabriquées par des moines irrités de la découverte de Johann Fust ou Faust, qui leur enlevait les utiles fonctions de copistes de manuscrits. Klinger, l’auteur allemand du livre remarquable intitulé les Aventures de Faust, et sa descente aux enfers, a admis celte version.
Cependant à Leipsik, où l’on voit encore la cave de l’Auerbach, illustrée par le souvenir de Faust et de Méphistophélès (comme on le verra dans la pièce), les peintures anciennes conservées dans les arcs des voûtes et qui viennent d’être restaurées, portent la date de 1525, et l’invention de l’imprimerie date environ de 1440; il faudrait donc admettre, ou qu’il a existé deux Faust différents, ou que Faust était très-vieux lorsqu’il fit un pacte avec le diable; ce qui rentrerait du reste, dans la supposition qu’a faite Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) , qu’il invoque le diable pour se rajeunir.
Suivant l’opinion la plus accréditée, Faust naquit à Mayence où il commença par être orfèvre. Plusieurs villes, du reste, se disputent l’honneur de lui avoir donné naissance et conservent des objets que son souvenir rend précieux; Francfort, le premier livre qu’il a imprimé ; Mayence, sa première presse. On montre aussi, à Wittemberg, deux maisons qui lui ont appartenu et qu’il légua à son disciple Wagner. L’histoire du vieux Paris conserve aussi des souvenirs de Faust, qui vint apporter à Louis XI un exemplaire e la première Bible, et qui, accusé de magie, à cause de son invention môme, parvint à se soustraire au bûcher, ce que l’on attribua, comme toujours, à l’intervention du diable.
« L’histoire de Faust, populaire tant en Angleterre qu’en Allemagne, et connue môme en France depuis longtemps, comme on peut le voir par la légende, a inspiré un grand nombre d’auteurs de différentes époques. L’œuvre la plus remarquable qui ait paru sur ce sujet, avant celle de Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) , est un Faust du poète anglais Marlowe, joué en 1589, et qui n’est dépourvu ni d’intérêt ni de valeur poétique. La lutte du bien et du mal dans une haute intelligence est une des grandes idées du XVI siècle, et aussi du nôtre; seulement la forme de l’œuvre et le sens du raisonnement diffèrent, comme on peut le croire, et les deux Faust de Marlowe et de Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) formeraient sous ce rapport un contraste intéressant à étudier. On sent dans l’un le mouvement des idées qui signalaient la naissance de la réforme; dans l’autre, la réaction religieuse et philosophique qui la suivie et laissée en arrière. Chez l’auteur anglais, l’idée n’est ni indépendante de la religion, ni indépendante des nouveaux principes qui l’attaquent ; le poète est à demi enveloppé encore dans les liens de l’orthodoxie chrétienne, à demi disposée les rompre. Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) , au contraire, n’a plus de préjugés à vaincre, ni de progrès philosophiques à prévoir. La religion a accompli son cercle, et l’a fermé; la philosophie a accompli de même et fermé le sien. Le doute qui en résulte pour le penseur n’est plus une lutte à soutenir, niais un choix à l’aire; et si quelque sympathie le décide à la fin pour la religion, on peut dire que son choix a été libre et qu’il avait clairement apprécié les deux côtés de cette superbe question.
« La négation religieuse qui s’est formulée en dernier lieu chez nous par Voltaire Voltaire François-Marie Arouet (1694-1778) , et chez les Anglais par Byron, a trouvé dans Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) un arbitre plutôt qu’un adversaire. Suivant dans ses ouvrages les progrès ou du moins la dernière transformation de la philosophie de son pays, ce poêle a donné à tous les principes en fuite une solution complète, qu’on peut ne pas accepter, mais dont il est impossible de nier la logique savante et parfaite. Ce n’est ni de l’éclectisme ni de la fusion ; l’antiquité et le moyen âge se donnent la main sans se confondre, la matière et l’esprit se réconcilient et s’admirent; ce qui est déchu se relève ; ce qui est faussé se redresse : le mauvais principe lui-même se fond dans l’universel amour. C’est le panthéisme moderne : Dieu est dans tout. »
Cette appréciation du Faust de Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) est de M. Gérard de Nerval. Mais ici la voix populaire aura encore raison contre un homme de science et d’esprit. En pratique le panthéisme détruit Dieu, puisqu’il confond les notions du bien et du mal et anéantit la morale : or, si les notions fondamentales de la morale reposent sur celle de Dieu, on peut dire aussi quo réciproquement l’idée de Dieu est fondée sur les notions mordes, dont elle est la règle et l’abstraction vivantes. Le panthéisme spéculatif est donc l’athéisme pratique, et l’athéisme pratique doit conduire bientôt à l’athéisme spéculatif. La voix publique a donc raison lorsqu’elle accuse Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) d’avoir été athée : car on nie tout, aussi bien Dieu en voulant ajouter qu’en voulant retrancher quelque chose à son être; dire plus de l’infini, c’est nécessairement en dire moins, et ajouter seulement un au nombre universel, c’est retrancher tout. Voilà ce que fait le panthéisme.
Mais nous n’avons pas à donner ici des preuves de notre opinion sur Goethe Goethe Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) , dont le drame n’appartient à la littérature religieuse quo par ses emprunts à la légende et par son magnifique débat, que nous avons rapporté ailleurs, et qui est imité des plus belles pages du livre de Job.

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