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La Bible restituée

Carlo Suarès : HA-QABALA

Carlo Suarès

mercredi 24 novembre 2010

Extraits de Carlo Suarès, La Bible restituée

Vint ensuite le temps où « s’éleva sur l’Egypte un nouveau roi qui n’avait point connu Joseph ». Mais grâce à la puissance matérielle acquise par Joseph et la puissance magique de la hiérarchie sacerdotale qu’avait renforcée l’objet hérité par Joseph, le peuple fut écrasé de plus en plus.

Et, grâce aussi à Joseph, plus le peuple hébreu était accablé, « plus il multipliait et s’accroissait », ce qui, un jour, suscita les craintes de Pharaon. « Voilà les enfants d’Israël qui forment un peuple plus nombreux et plus puissant que nous », dit-il.

Il décida de l’exterminer et ordonna que l’on tuât tous leurs nouveau-nés. Toutefois ceux-ci furent sauvés grâce aux deux sages-femmes d’Israël, en plein accord avec Elohim.

Puis ce fut Moïse. L’histoire de sa naissance ressemble à d’autres légendes de nouveau-nés menacés, cachés, trouvés, sauvés, conduits vers de hauts destins.

On a beaucoup écrit sur Moïse, de différents points de vue. Toutefois il me semble que seule la Qâbala peut le voir en sa double réalité, à la fois mythique et historique.

La réalité mythique est l’évolution, au cours des âges, des rapports entre la conscience humaine et le grand mystère de l’existant.

J’ai toujours situé le mystère du « il y a » comme fondement de la conscience religieuse ; ce mystère a toujours été vécu très profondément par les hommes de la Qâbala, ce qui ne veut pas dire que leurs écrits correspondent aux exigences de notre raison contemporaine.

Ils se sont plus souvent exprimés en symboles qu’en termes clairs, car c’est ainsi qu’ils sentaient et pensaient. Pour comprendre ce qu’ils comprenaient et pour vivre ce qu’ils vivaient, nous devons briser les formes imagées de leurs expressions. Nous ne voyons donc pas Abraham, Moïse et Jésus tels qu’ils les voyaient.

Nous les voyons selon nos propres yeux. Nous pouvons les voir directement. Nous pouvons être en eux-mêmes dans leur existence mythique (car ils n’ont pas l’existence qu’on leur prête). Et voici comment : le déroulement historique se situe à un certain niveau, sensoriel ; le déroulement mythique se situe à un autre niveau, psychique.

C’est à ce niveau psychique que la Qâbala a toujours été en contact - plus ou moins clair - avec le grand inconnu.

Or, à certains moments importants de la double histoire humaine, concrète et psychique, le mythe hébraïque a ceci de particulier qu’il devient apparent et retombe sur terre en agissant à la façon d’un cyclone qui soulève en trombe une masse d’eau et l’anime d’un rapide mouvement tourbillonnant. L’eau soulevée participe du cyclone plus encore que de l’océan.

Ainsi les événements concrets qui s’appellent Abraham, Moïse, Jésus, soulevés par le mythe, appartiennent plus à lui qu’à la réalité objective, et leur extraordinaire importance est qu’ils font la jonction entre les deux réalités. En fin de compte ils modifient le cours de l’histoire, en tant que phénomènes profondément religieux.

Contrairement à certains mythes asiatiques qui ont traîné une continuité à travers des armatures sociales figées qui se sont desséchées, accrochées à leur arbre de connaissance, la Qâbala est morte et a ressuscité plusieurs fois, d’une façon spectaculaire, chaque fois en accomplissant et en enterrant son passé.

Si nous sommes à un de ces moments, nous sommes ce même point de contact qui a eu noms Abraham, Moïse, Jésus ; nous sommes ce point intemporel, et c’est cela la Qâbala.

Ces indications me semblent nécessaires pour aborder l’histoire de Moïse. Après Yôssef, la Qâbala mourut. Elle fut enterrée en un lieu tenu secret et, bientôt, personne ne sut qu’une telle chose pouvait exister.