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La Bible restituée
Carlo Suarès : HA-QABALA
Carlo Suarès
mercredi 24 novembre 2010
Extraits de Carlo Suarès, La Bible restituée
Mais revenons à Joseph « vendu par ses frères ». Ce récit est la description déformée d’une cérémonie initiatique. Les éléments principaux y sont : un état second (Joseph est qualifié de rêveur), sa robe (non pas « multicolore », c’est la robe du dépouillement), la mise à nu, la fosse vide « sans eau », puis les vingt pièces payées, l’Egypte, etc.
Le personnage mythique Joseph est double. Etant le onzième fils de Jacob, il est le Yod, 10 et le Aleph 1, réunis. Et son action est en effet double. Le Aleph lui donne le pouvoir de lire dans les rêves et le Yod celui de faire le trust du blé.
En vérité, son action fut celle du mythe lui-même. Il possédait totalement la Qâbala en arrivant en Egypte, c’est-à-dire qu’il fut le point de contact de deux processus parallèles : celui du mythe et celui de l’histoire telle qu’on la perçoit.
Il fut ce que furent quelques initiés au cours des siècles : la conscience historique de la nécessité biologique du mythe hébreu, nécessité qui tantôt apparaît au peuple hébreu comme une bénédiction, mais qui, le plus souvent, prend l’aspect d’une effroyable punition infligée par un YHWH divinisé.
Yôssef provoqua d’abord une bénédiction matérielle, puis un danger immédiat de destruction totale, une fuite éperdue et le dénuement, les souffrances, la misère. C’est que Yôssef était ambivalent. En lui le mythe mâle rencontra et féconda la matière historique des possessions, qui sont femelles.
Yôssef manipula la substance primitive, informe, des masses humaines. Il les pétrit avec force, il les écrasa jusqu’à faire surgir en elles une réaction vitale.
Avant lui, la genèse de l’humain se concentrait mythiquement en une famille. Avec lui naquit un peuple.
Et voici comment opéra YHWH : il y eut une terrible famine en Mitsraïm (Egypte) et dans tous les pays environnants. Yôssef qui l’avait prévue et avait acquis pour Pharaon tout le blé du pays, ne le distribua qu’en échange d’expropriations.
A la fin de l’opération Pharaon possédait chaque pouce de terre égyptienne et tous les habitants du pays étaient réduits à la servitude.
Entre-temps, Yôssef avait fait venir toute sa famille et l’avait installée dans la région la plus propre à la faire prospérer.
La preuve de la transmission à Yôssef de la connaissance et de la direction de l’humain vers sa maturité se trouve, d’après la tradition de la Qâbala, en deux passages bibliques.
Jacob, ou plutôt Israël, car Israël est son. vrai nom depuis son combat avec Elohim, dit à Yôssef (Gen. XLVII, 28) « mets ta main à ma hanche » - et non « sous ma cuisse », tel que ce passage est traduit - afin de lui montrer l’endroit où Elohim l’avait blessé. Cette blessure est significative d’une notion mythique constante et ce symbole se rapporte d’ailleurs à une réalité. Symboliquement, nul ne guérit s’il n’est blessé, nul ne sauve de la mort s’il n’a passé par la mort.
Israël par ce geste se révèle à Yôssef. L’autre passage est (Gen. xlviii, 22) celui où Israël lègue à Yôssef « une part au-dessus de tes frères », dit-il, mais non « celle qu’il a prise (d’après les traductions) de la main de l’Amoréen, avec son glaive et son arc ».
Cet Amoréen, ce glaive et cet arc d’un homme qui, de sa vie, n’a jamais combattu que son dieu, ne sont là que parce que la logique rationnelle des traducteurs et leur ignorance ne pouvaient leur permettre de penser qu’Israël mentionnait la main qui lui avait parlé !
La racine âmer ou ômer qui, dans le texte, se rapporte au verbe parler, dire, est devenue « l’Amoréen » ! Une main qui parle est une main qui écrit. L’objet légué, que l’exégèse exotérique ne peut pas définir, n’était autre que le document secret dont nous retrouvons ici la trace.
Yôssef vécut une vie de puissance et de faste. Il mourut et fut embaumé à la façon dont l’étaient les grands d’Egypte. A sa mort, les prêtres d’Egypte cherchèrent le document magique que Yaâqov lui avait remis et ne le trouvèrent point. Il avait disparu et personne ne savait ce qu’il était devenu. Ainsi passèrent de nombreuses années.

