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ALAIN DANIÉLOU
LA THÉORIE MÉTAPHYSIQUE DU VERBE ET SON APPLICATION DANS LE LANGAGE ET LA MUSIQUE
Approches de l’Inde. Tradition & Incidences
vendredi 21 décembre 2007
Extrait de Approches de l’Inde. Tradition & Incidences. Dir. Jacques Masui Masui Masui, Jacques . Cahiers du Sud, 1949
- L’univers est une idée, p2
- LA CAUSE PREMIÈRE, p3
- LA TRIPLE FORME VIBRATOIRE, p4
- LE NON-MANIFESTÉ (AVYAKTÀ) (…), p5
- ESPACE ET TEMPS, p6
- NÂDÂ, LA VIBRATION ÉLÉMENTAIRE, p7
- SHABDÀ ET ARTHÀ, LE MOT ET (…), p8
- DHVANI ET SPHOTÀ, LE SON (…), p9
- LES QUATRE DEGRÉS DE LA (…), p10
- LE LANGAGE VRAI, p11
- LE VÉDÂ OU LA CONNAISSANCE (…), p12
- LES ORIGINES DES ÉCRITURES, p13
- SON MUSICAL ET SON ARTICULÉ, p14
- LE SON MUSICAL, p15
- LE GÂNDHARVÂ VÉDÂ, p16
LE LANGAGE VRAI
De ce qui a été dit, il résulte qu’il existe nécessairement un langage vrai qui est la représentation exacte du procédé par lequel la pensée donne naissance aux formes visibles de l’univers. Si affaibli qu’en soit le reflet qui constitue un langage vrai humain, ce langage ouvre cependant des possibilités magiques prodigieuses.
Étant donnée la correspondance des sons et des formes, les sons, s’ils sont parfaitement exacts, ont un pouvoir extraordinaire sur les choses car, comme l’explique Sayanâchàryà le commentateur des Védâs, ces « mots vrais » (satyukti) reproduisent le procédé par lequel « se développent la Terre et l’Espace, le jour et la nuit. C’est dans ces rythmes vrais que les êtres trouvent le repos et s’endorment quand ils sont las, c’est en eux qu’ils se dissolvent à l’heure de la destruction. C’est par ces rythmes vrais que chaque être vivant vibre, se meut, c’est-à-dire se livre à la pensée et à l’action dont la nature est vibration. C’est par ces rythmes vrais que les vagues s’agitent et que le soleil se lève chaque jour. »
C’est à cause de son pouvoir que le langage vrai, qui était le langage des sages des premiers âges dont chaque parole se réalisait nécessairement, ne put être laissé à la portée des hommes et fut voilé sous la confusion des langues multiples.
Bien que toutes les langues humaines et animales soient dérivées du langage vrai originel, leur forme a été systématiquement déviée et leur principe confondu de manière à détruire leur pouvoir de création et le réduire à un simple pouvoir d’évocation.
Les formes essentielles du langage vrai sont toutefois préservées par certaines chaînes d’individus soigneusement choisis. Les mots vrais forment les mantrâs ou formules magiques dont la transmission fait l’objet des rites initiatiques.
Toutes les langues humaines, même si elles s’éloignent quelque peu des formes sonores originelles, conservent cependant dans les grandes lignes certains caractères essentiels et les racines du langage vrai. De plus, lorsque le son d’un mot a tendance à trop s’écarter du mot vrai, toutes les langues finissent par lui substituer un mot nouveau dont le son est plus proche du « mot naturel » parce que la connexion des sons et des formes n’est en rien arbitraire mais correspond à la nature même des sons et des choses.

