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PERSONNE ET ACTE
Wojtyla : La connaissance de la personne fondée sur l’expérience de l’homme
Karol Wojtyla
samedi 2 août 2014
Extrait de « PERSONNE ET ACTE »
Ce qui caractérise les actes humains est la moralité
Mais ce n’est pas tout. L’expérience, et en même temps l’aperception intellectuelle de la personne dans ses actes et à travers eux, provient particulièrement de ce que ces actes possèdent une valeur morale. Ils sont moralement bons ou moralement mauvais. Ce caractère moral constitue leur propriété intime, et comme leur profil particulier — inexistants dans l’action qui présuppose d’autres agents que la personne. Seule l’action, qui présuppose comme agent une personne — nous avons dit qu’à elle seule revenait le nom d’« acte » — se signale par son caractère moral.
Et c’est aussi pourquoi l’histoire de la philosophie est le théâtre de l’éternelle rencontre de l’anthropologie et de l’éthique. La science qui s’est donné pour objet l’étude fondamentale du problème du bien et du mal moral — c’est justement l’éthique — ne peut jamais faire abstraction du fait que le bien ou le mal se manifeste seulement dans les actes et par eux devient le partage de l’homme. C’est pourquoi l’éthique, surtout l’éthique traditionnelle, a traité avec grande assiduité de l’acte comme aussi de l’homme. Des exemples peuvent en être fournis aussi bien par l’Ethique à Nicomaque que par la Somme théologique. Et, bien que dans la philosophie moderne, et surtout contemporaine, on puisse observer une tendance à traiter les problèmes de l’éthique dans une certaine abstraction par rapport à l’anthropologie (le terrain de cette dernière étant occupé plutôt par la psychologie ou la sociologie de la morale), toutefois le rejet total des implications anthropologiques n’est pas possible dans le domaine de l’éthique. Plus un système donné de philosophie se veut intégral, et plus les problèmes anthropologiques y font retour en éthique. C’est ainsi, par exemple, qu’ils ont beaucoup plus de place dans les conceptions phénoménologiques que dans les conceptions positivistes, dans l’Être et le Néant de Sartre que dans les études de philosophie analytique anglo-saxonnes [3].


[3] Il est étonnant que chez les auteurs représentant ce qu’il est convenu d’appeler l’école d’analyse du langage commun en éthique, et en particulier chez les porte-parole anglo-américains de cette école, manque presque totalement une réflexion de nature anthropologique, à moins qu’elle ne se limite à des remarques d’ordre marginal portant sur la liberté de la volonté et sur le déterminisme. Cf. p. ex. C. L. Stevenson, Ethics and Language (New Haven, Yale University Press, 1944), ainsi que l’ouvrage de son critique principal, R. B. Brandt, Ethical Theory. The Problem of normativ and critical Ethics (Englewood Cliffs, NJ Prentice Hall Inc., 1959)