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PERSONNE ET ACTE
Wojtyla : La connaissance de la personne fondée sur l’expérience de l’homme
Karol Wojtyla
samedi 2 août 2014
Extrait de « PERSONNE ET ACTE »
Nous partons du fait « l’homme agit » donné dans l’expérience phénoménologique
L’expérience est liée sans conteste à un domaine de faits qui nous sont donnés [1]. L’ensemble dynamique « l’homme agit » est certainement un fait de ce type. Dans cette étude nous prenons comme point de départ ce fait justement qui se produit on ne peut plus souvent dans la vie de tout homme, et c’est sur lui avant tout que nous concentrerons notre attention. A multiplier par le grand nombre des hommes, nous obtenons une quantité incalculable de faits — et donc une immense richesse d’expériences.
L’expérience renvoie aussi à l’immédiateté de la connaissance elle-même, au contact cognitif immédiat avec l’objet. Il est vrai que les sens restent en contact immédiat avec les objets de la réalité qui nous entoure - avec, dans leur diversité, ces « faits » justement dont nous venons de parler. Il est cependant difficile d’admettre que seul l’acte sensoriel appréhende ces objets ou ces faits de façon immédiate. Il nous faut constater que l’acte intellectuel, pour le moins, participe à cette immédiateté de la saisie de l’objet. Une telle immédiateté, qui est une caractéristique expérimentale de la connaissance, ne réduit pas la différence de contenu de celle-ci par rapport à l’acte purement sensoriel, ni non plus leur genèse propre.
Ce sont là pourtant des problèmes particuliers de la théorie de la connaissance que nous n’approfondirons pas ici. Il s’agit présentement de l’acte de connaissance comme totalité concrète, à laquelle nous devons par exemple la saisie du fait« l’homme agit ». Impossible d’admettre que l’expérience se limite, dans la saisie de ce fait, à la seule « surface » : à l’ensemble des impressions sensibles qui à chaque fois sont uniques et non réitérables, cependant que l’esprit attend en quelque sorte cette matière, pour en « faire » son objet, auquel il donnera le nom d’« acte » ou de « personne et acte ». Il apparaît au contraire que l’esprit est déjà engagé dans l’expérience elle-même, qui lui permet de prendre contact avec l’objet, un contact également » — bien qu’autrement — immédiat.


[1] Selon la conception phénoménologique, l’expérience est source et fondement de tout savoir concernant les objets ; cela ne signifie pourtant pas qu’il n’existe qu’un seul type d’expérience, et que cette expérience soit la perception « sensible », « extérieure » ou « intérieure », ainsi qu’ont coutume de l’affirmer les empiristes modernes. Pour les phénoménologues, « l’expérience immédiate » est tout acte de connaissance où l’objet est donné lui-même directement, ou encore, ainsi que le dit Husserl, « corporellement » (leibhaft selbstgegeben). Il existe donc un grand nombre de sortes d’expériences dans lesquelles sont donnés des objets individuels, par exemple l’expérience de faits psychiques individuels relevant d’autres personnes, l’expérience esthétique qui nous propose des oeuvres d’art, etc.
Le problème de l’expérience, en même temps que toutes les questions méthodologiques, a trouvé un large écho parmi les philosophes polonais dans la discussion portant sur « Personne et Acte ». Cf. Analecta Cracoviensia, V-VI, 1973-1974, avec les contributions de J. Kalinowski, M. Jaworski, S. Kaminski, T. Styczen et K. Khósak. En prenant une position différente de celle de J. Kalinowski, l’abbé M. Jaworski souligne la spécificité de l’expérience de l’homme qui se trouve au fondement de son intelligence.