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CAHIERS DE L’HERMÉTISME
Javary : Le Tétragramme
Geneviève Javary
dimanche 20 juillet 2014
Extraits du CAHIERS DE L’HERMÉTISME.
Cet exposé de la Kabbale juive, faite par un chrétien, est remarquable par son effort d’objectivité : il est vrai que le procédé du dialogue permettait à Reuchlin de présenter à Léon X les principaux thèmes kabbalistiques, sans faire chaque fois les rapprochements, auxquels il devait penser, avec le christianisme. Le juif Simon se contente d’initier ses deux interlocuteurs, le pythagoricien Philolaus et le chrétien Marrane ; c’est ce dernier qui exposera l’exégèse du Nom de Jésus, où le Shin, lettre de la miséricorde, a été ajouté au Tétragramme. Car la Kabbale, pour un chrétien du seizième siècle, ne serait pas achevée si on ne pouvait grâce à elle prouver la divinité de Jésus-Christ, c’est-à-dire, montrer d’une certaine façon, même un peu appuyée, l’équivalence entre le Nom de Jésus et le Nom de Dieu. Il part d’un passage du Raziel où, à Adam accablé par sa faute, est annoncé que de sa descendance « naîtra un homme juste et pacifique, un héros, dont le nom contiendra dans les commisérations ces quatre lettres IHUH » (Ibid., p. 54). Puis après quelques développements un peu longs, un verset de la Genèse (IV, 26) est interprété par guématrie [6]. Si bien qu’au lieu de la lecture traditionnelle : « Celui-ci commença à invoquer le nom du Seigneur (YHWH) », on peut lire : « On s’attendait alors à ce qu’il fut appelé par Sin du milieu de IHUH. » L’adjonction de ce Shin permet alors de retrouver le Tétragramme dans le Nom hébreu de Jésus, qui signifie Sauveur : Y S U A (Ibid., p. 54 et sq.). Cette exégèse a souvent été trouvée peu convaincante et un peu forcée, ce n’est certes pas la partie la plus intéressante de l’ouvre de Johann Reuchlin.
Toute la Kabbale exposée par Reuchlin apparaît donc comme une inspiration, suivie d’une expiration : le Nom de Dieu, le Tétragramme, se développe presque à l’infini, puis par un mouvement inverse du multiple l’on revient à l’un. Cette dynamique de la Kabbale, cette respiration cosmique, semble l’un des traits essentiels de toutes ces spéculations. Nous conclurons donc cette première partie en citant ce beau vers de Georges de Venise :
Ch’ogni numero in Dio sol un diventa (Car chaque nombre en Dieu seul devient un)
Car toute cette arithmétique sacrée n’est finalement qu’un moyen de prouver l’unité de Dieu.


[6] Procédé qui consiste à tirer des conclusions en partant de la valeur numérique des mots.