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Mythes grecs et mystère chrétien
Hugo Rahner : LE MYSTÈRE DU BAPTÊME
Hugo Rahner
dimanche 15 août 2010
Hugo, Rahner, Mythes grecs et mystère chrétien.
CHAPITRE III LE MYSTÈRE DU BAPTÊME
Avec cela nous sommes à la fin de notre essai, visant à faire vivre dans le mystère de la croix et celui du baptême ce que le Christianisme antique s’est représenté sous le nom de mystère. Lorsque l’Église des Grecs et des Romains clans la sainte Pannychis de Pâques fêtait son mystère, en regardant plonger l’arbre de la croix dans l’eau qui donne la vie, dans la lumière des candélabres et dans l’éclat des blancs vêtements : elle peut alors avoir eu conscience de ce que, dans ce nouveau mystère, les anciens mystères voyaient leur fin et leur complétude. Elle peut avoir senti ce qu’exprima un jour Grégoire de Nazianze au début d’un splendide prêche des « lumières » : « Jésus est de nouveau là, et de nouveau il y a là un mystère. Mais ce n’est plus le mystère de l’enivrement grec mais un mystère d’en-haut, un mystère divin ». Dans son poème sur la sainte nuit de Pâques, le poète Drepanius fait encore une fois défiler devant lui tous les mystères antiques : « Vois, comme le peuple en claires troupes se presse vers notre mystère, afin de prier le Dieu trine. Ce n’est pas comme les Galles du mont Ida, qui imitent là la Dindyma, ni comme les veilles d’Eleusis qui honorent la mère nourricière de l’Attique, ni comme les orgies consacrées sur le Cithéron thébain que sont nos mystères. Là ne s’exhale aucune vapeur d’encens, là il ne coule pas de sang, là tout n’est que prière pure et action simple. »
« Non sicut Idaeis simulatur Dindyma Gallis Attica nec Grais nuribus vigilatur Eleusis, Orgia Thebanus vel agit nocturna Cithoron. Nil habet insanum strepitu, nil thure vaporum, Sanguine nil madidum, nil cursibus immoderatum Nox sacris operanda tuis. Tantum prece pura simplicibus votis manibusque ad celsa supinis Te colimus natumque tuum ».
Du mystère de la nuit de Pâques où la croix dans l’eau engendre une nouvelle vie, le regard du myste chrétien passe dans le pays de la lumière et son cri heureux du mystère est : « kaire neon phos ! ». Dans le ciel se découvrira ce qui était enveloppé sur terre dans le signe de la croix et du baptême, dans ce bienheureux empire de l’Ogdoade, du repos et de la perfection. Le Christ nous l’a ouvert avec sa croix, a « crucifié la mort pour la vie ». Chez le myste baptisé va s’accomplir dans un sens chrétien ce dont Platon a eu l’intuition, lorsqu’il écrivait en parlant de l’empire bienheureux dont viennent les âmes et où les bons retournent : « Là les âmes pouvaient voir une beauté brillante lorsqu’elles contemplaient dans une bienheureuse danse des images merveilleuses. » Clément d’Alexandrie qui nous a montré comme aucun autre le mystère chrétien en images grecques prononcera le dernier mot de notre Éranos sur les mystères :
« Evitons donc, évitons d’oublier la vérité ! L’ignorance et l’obscurité qui retardent, nous voulons les éloigner comme un nuage épais de devant nos yeux et contempler le Dieu qui existe en vérité, et nous voulons crier pour l’accueillir et comme louange ce cri : Sois salué, oh ! Lumière ! A nous qui étions enterrés dans l’obscurité et enchaînés dans l’ombre de la mort, pour nous, une lumière se mit à briller du ciel plus pure que la Lumière d’Hélios et plus douce que la vie d’ici-bas. Cette lumière s’appelle : Vie éternelle. Et tout ce qui participe d’elle, vit. Tout est devenu lumière, qui ne tendra plus jamais vers le sommeil, et le coucher s’est mué en un lever. C’est la nouvelle création. Car le soleil de la justice, qui se hâte au-dessus du Cosmos a changé le coucher en lever et a crucifié la mort pour la vie. Il a arraché l’homme à sa perte et l’a enlevé vers l’Ether et il a changé la terre en ciel. »

