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La connaissance et l’être
Frank : La connaissance et l’être (avant-propos)
Semyon Frank
vendredi 29 août 2014
Extrait de « La connaissance et l’être », de Semyon Frank, Aubier.
La carrière sociale de Simon Frank fut une carrière universitaire. De 1907 à 1917, il fut dozent à l’Université de Saint-Pétersbourg et professeur à l’école d’enseignement supérieur féminin de la même ville ; de 1917 à 1921, professeur ordinaire et doyen de la Faculté de philosophie (philologie et histoire) de l’Université de Saratov ; enfin, en 1921-1923, il devint professeur ordinaire à l’Université de Moscou ; et assura, avec Berdiaeff, la direction, à Moscou aussi, d’une « Académie pour la culture spirituelle » qui était une association indépendante. — En 1922, à cause de son opposition au matérialisme, devenu doctrine officielle, le gouvernement des Soviets lui manifesta, ainsi qu’à beaucoup d’autres, son hostilité, et il dut passer en Allemagne. Il vit maintenant à Berlin. Il n’a pas cessé de s’associer au mouvement spirituel qu’il a contribué à lancer : il est membre de l’Académie de philosophie religieuse, constituée parmi les émigrés, et il collabore à la revue philosophique russe La Voie, éditée par Berdiaeff.
L’oeuvre intellectuelle de Simon Frank est maintenant considérable. Avant l’ouvrage que nous traduisons aujourd’hui, il a publié, en 1910, Philosophie et Vie. A la même période que La Connaissance et l’Être appartient un livre, L’Âme de l’homme, qui est présenté comme une introduction ontologique à la psychologie. De Berlin, il a fait paraître, soit en russe, soit en allemand, des études ressortissant à des parties très différentes de la philosophie. Il prépare la publication en allemand d’un ouvrage consacré à fonder, du point de vue de la théorie de la connaissance et de celui de l’ontologie, la mystique spéculative. S’il fallait déterminer l’influence qu’il a exercée sur la pensée allemande de notre temps, c’est sans doute la philosophie de Nicolaï Hartmann qui apporterait le témoignage le plus important.
L’historien de la philosophie pourrait chercher dans la pensée de Simon Frank le prolongement de philosophies antérieures. Plotin et Nicolas de Cuse sont les deux modèles sous le patronage desquels il met, ne serait-ce que par de nombreuses références, La Connaissance et l’Être. Il a subi l’influence de Kireiewski, de Vladimir Soloview, de Lossky. Il a reçu une forte impression de Malebranche. Enfin ce livre même avoue l’admiration et prouve l’attention avec laquelle il a lu Bergson. — Mais c’est toujours méconnaître l’originalité d’un philosophe et la vie même de la pensée que d’en faire une résultante d’actions venues du dehors. Si à la limite il ne peut y avoir qu’une philosophie, elle doit amener les esprits les plus pénétrants à s’unir en elle. Quand donc un philosophe se retrouve dans la pensée d’un philosophe antérieur, cela vérifie que les esprits sont faits pour converger, mais cela n’enlève rien à l’indépendance et à la spontanéité des mouvements par lesquels ils se sont portés les uns au-devant des autres. L’histoire intellectuelle de Simon Frank lui-même en fournit une vérification. La théorie du jugement et l’attitude prise à l’égard de l’Absolu dans La Connaissance et l’Être ne sont pas sans évoquer le souvenir de Bradley ; pourtant ce n’est qu’après avoir écrit ce livre qu’il a lu Appearance and Reality.

