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Œuvres de Ruysbroeck

Ruysbroeck : L’âme et le corps

Trad. de l’Abbaye de Saint Paul de Wisques.

dimanche 7 décembre 2008

 LA FOI CHRÉTIENNE

Ensuite la foi nous dit : Je crois en Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, c’est-à-dire sans commencement, de toute éternité. Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non t’as tait ; une seule substance avec le Père, c’est-à-dire une seule nature indistincte avec lui. Par ce même Fils toutes choses ont été faites : car il est la sagesse du Père, en qui toutes choses vivent. Et bien qu’il y ait altérité et distinction de personnes, il est néanmoins une nature unique avec le Père. Et nous croyons que ce même Fils unique de Dieu est descendu des cieux pour nous autres hommes et pour notre salut. Il a assumé notre nature humaine, a été conçu du Saint-Esprit, c’est-à-dire par l’opération et la vertu du Saint-Esprit, est né de la vierge Marie et est devenu véritablement homme : car de même que l’âme et le corps font ensemble un seul homme, ainsi le Fils de Dieu et le fils de Marie ce n’est qu’un seul Christ. Pour notre salut il a souffert et enduré des peines, a été crucifié, est mort et a été enseveli, sous le juge qui était alors à Jérusalem et qui s’appelait Ponce Pilate. Et aussitôt son âme descendit aux enfers avec grande puissance et grande joie ; et dans sa vertu divine, il brisa les portes d’airain et les barres de fer pour délivrer les patriarches et les prophètes, qui avaient cru en lui et qui l’avaient attendu avec un grand désir. Il délivra encore tous ceux qui l’avaient servi fidèlement, depuis le commencement du monde, et étaient morts sans péché mortel ; mais nul autre ne fut délivré par lui. Car ceux qui n’aimaient pas Dieu et qui avaient été mauvais et infidèles comme les démons, devaient être laissés éternellement aux enfers, ainsi que le dit Abraham au riche avare, enseveli au plus profond de l’enfer, très loin en dessous de tous ceux qui appartenaient à Dieu. Le troisième jour le Christ se leva d’entre les morts, de sa propre vertu, ce que nul autre ne peut faire. C’est que son âme glorieuse et vivante était unie à Dieu aux limbes, tandis que son corps inanimé conservait la même union dans le sépulcre. Et lorsque l’âme et le corps se rejoignirent, il ressuscita glorieux - et beaucoup d’autres morts avec lui, - à la gloire de son Père et pour la glorification et la joie de tous les anges, de tous les saints et de tous les hommes de bien. À son humanité furent donnés pouvoir et honneur au ciel, sur la terre et aux enfers ; par lui aussi et en lui, la sainte Église possède tout son pouvoir. Et de même qu’en sa propre vertu, il ressuscita les morts, avant comme après sa résurrection, de même les saints, qui en reçurent de lui la puissance, tant dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament, ressuscitèrent-ils des morts selon le corps ou selon l’esprit. Ensuite, le quarantième jour, il monta au ciel, c’est-à-dire, selon l’Apôtre, au-dessus de tous les cieux matériels, jusqu’aux cieux spirituels que sont les anges ; et même au-dessus de tous les anges dans le ciel caché, en cette sublimité impénétrable où il a été élevé bien au-dessus de tous les esprits. Ainsi selon son humanité il est assis à la droite de Dieu, son Père tout-Puissant. Non pas que Dieu le Père céleste puisse être assis ou debout, ou qu’il ait des mains : car il est esprit ; mais la glorieuse nature humaine du Christ a été élevée au-dessus de toute nature créée, dans la puissance la plus haute et dans la perfection la plus noble que Dieu ait produites. Puis, au dernier jour, il viendra en gloire et en vertu divine, avec les chœurs immenses de tous les anges et de tous les saints, pour juger les vivants et les morts, c’est-à-dire les bons et les méchants. Et jamais son règne n’aura de fin. PROLOGUE

La privation éternelle de Dieu et de toute béatitude constitue la peine du dam. Cette peine est spirituelle, et plus terrible qu’aucun mal qu’on puisse éprouver dans le corps. Les petits enfants qui meurent sans baptême avant d’être arrivés à l’âge de discernement, sont seulement privés de Dieu, à cause du péché originel, et ils n’ont pas d’autre peine. Pour ceux, au contraire, qui par leur propre volonté se détournent de Dieu, l’abandonnent et le méprisent, la privation éternelle de Dieu est la principale et la plus grande peine : mais puisqu’ils se sont tournés vers les créatures dans un amour désordonné contre l’honneur de Dieu, ils souffrent encore du feu éternel correspondant à cet amour désordonné. Que ce feu soit spirituel ou matériel, ou tous les deux (ce qui me semble plus probable), nous nous en remettons à Dieu : car Dieu est assez puissant pour faire brûler d’un feu matériel l’âme et le corps. PROLOGUE

Ensuite vient la troisième peine, qui est encore plus intérieure, et c’est le froid infernal sans fin. Car celui qui n’aime pas Dieu porte avec lui une grande froideur, et dans ce froid il doit éternellement périr. De même celui qui a un amour désordonné des créatures doit brûler, car il porte lui-même le feu qui est l’amour mauvais. Ceux qui viennent au jugement de Dieu, sans l’amour divin, auront l’intérieur de l’âme tremblant de froid infernal. Et ceux qui y apportent un amour désordonné et étranger brûleront dans l’âme et le corps d’un feu infernal. Ils auront des ténèbres intérieures à cause de leurs péchés, et ils seront privés de toute lumière extérieure en dehors de ce qu’il faut pour voir l’horrible aspect des démons et des corps en ce lieu immonde. Et le ver de la conscience ne mourra point, mais toujours il rongera et blâmera et témoignera qu’ils auraient pu mériter la vie éternelle, mais qu’à cause de leurs péchés et par leur propre faute, ils sont venus dans les tourments éternels. Dans leur grande angoisse ils gémiront et soupireront, non pas par regret ou par haine du péché, mais par l’horreur des peines éternelles. Sans cesse ils subiront la mort, et jamais ils ne mourront complètement : et de là vient que la peine infernale est appelée une mort éternelle : « et la mort les consumera », dit le prophète . Car de même que la gloire de Dieu nourrit les saints de joie, de même la peine infernale consume les damnés dans une tristesse éternelle. Il y aura là un désespoir sans fin car ils seront sûrs que la peine ne se terminera jamais. PROLOGUE