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Le Royaume inconnu

Wion : LE PRETRE-JEAN DANS LES MURS DU VATICAN

Frida Wion

samedi 2 août 2014

Extrait de « Le Royaume inconnu »

Pour la première fois on entend parler de ce roi. — Alexandre III reçoit une lettre de ce personnage et en accuse réception. — Un médecin-diplomate : Maître Philippe.

Puisque depuis 1145 ce Roi n’était pas mort, on allait pouvoir le connaître. Etant prêtre, il était chrétien, sa fortune et sa puissance pouvait peut-être être mise au service d’une noble cause, en l’occurrence celle des Croisades. Hélas, Maître-Philippe ne parvint pas en Tartarie, si son départ fut certain, son retour le fut moins, car jamais on ne sut ce qui lui advint une fois débarqué en Syrie. Certaines sources le donnent comme mort, d’autres disent qu’il cessa là son voyage et revint à Rome incognito. Quoique qu’il en soit, le silence le plus complet se fit sur lui, et les dernières recherches entreprises n’ont pas donné d’autres résultats.

Nous voici donc devant une lettre dont nous avons de nombreuses copies de la traduction sans l’original et un voyage inachevé resté sans résultat. Maître-Philippe ne se doutait pas des remous qu’entraîneraient sa défection, si défection il y eut, il n’imagina pas le nombre de missions, ambassades, recherches particulières, qui durant deux siècles essayeront d’identifier et de localiser ce roi descendant des Rois Mages.

Pourtant, ce médecin ami d’un Pape avait déjà été choisi pour accomplir différentes missions, aussi bien en Europe qu’en Syrie, il avait donc l’habitude des déplacements. Mais ce qu’il devait entreprendre cette fois-ci représentait une véritable aventure pour un homme de sa condition, habitué au confort des villes et dont la principale activité devait être la pratique de son art et la fréquentation des beaux esprits. Cependant il paraît improbable que le Pape ait fait une erreur de jugement en le choisissant, mais alors pourquoi les premiers missionnaires n’ont-ils jamais recherché les raisons qui le forcèrent à abandonner son voyage vers la Tartarie ?

Ce voyage, bien que difficultueux, n’était pas infaisable. Depuis des siècles, cette immense Asie, fermée par de redoutables chaînes de montagnes et de vastes plaines était sillonnée d’un réseau de routes et de pistes s’étendant des confins de la Chine aux rivages méditerranéens. C’était depuis toujours dans cette région du globe, un va-et-vient continuel de marchands, de conquérants, d’aventuriers et de religieux. Le service des communications était organisé et bien assuré par les caravaniers qui tenaient compte de la topographie, des saisons, des étapes étaient prévues pour le repos des hommes et des bêtes, des caravansérails se dresasient le long des routes. Les caravaniers étaient aguerris aux divers climats, bien armés et savaient se défendre en cas d’attaque par les pillards. Rien n’était laissé au hasard. Cependant, malgré cette fréquentation intensive des routes et des agglomérations qu’elles traversaient, les divers états et royaumes étaient mal connus des Européens, pour la simple raison que les marchands formant la clientèle la plus nombreuse et la plus fréquente, ne tenaient pas à dévoiler les conditions géographiques et économiques de ces régions qu’ils considéraient comme un monopole leur appartenant.