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Approches de l’Inde
Aurobindo : LA CLEF DU VÊDA
Trad. F. Berys et R. Allar (révisé par l’auteur)
lundi 3 novembre 2008
Ce texte constitue l’importante introduction aux Hymns to the Mystic Fire, extraits du Rig Vêda, traduits par Shrî Aurobindo et parus en 1946 (Shrî Aurobindo Ashram, Pondichéry. Traduit par F. Berys et R. Allar et révisé par l’auteur.
Il y a certains termes psychologiques qui doivent être pris congrûment dans leur vrai sens si nous voulons découvrir leur signification intérieure ou ésotérique. En dehors du mot Vérité, Ritam, nous devons toujours prendre au sens de pensée le mot dhî qui revient à tout instant dans les hymnes. Tel est le sens naturel de dhî qui correspond au mot plus récent de Buddhi ; il signifie pensée, compréhension, intelligence. Au pluriel, pensées se dit : dhiyah. Dans l’interprétation habituelle, on lui donne toutes sortes de significations : « eau », « travail », « sacrifice », « nourriture », aussi bien que Pensée. Mais, dans notre investigation nous devons le considérer congrûment dans son sens habituel et naturel, et voir ce qui en résulte.
Le mot Ketu signifie généralement rayon, mais il a aussi le sens d’intellect, de jugement ou de perception intellectuelle. Si nous comparons les passages du Vêda dans lesquels on le rencontre, nous pouvons en conclure qu’il a signifié : rayon de perception ou intuition : ainsi, c’est par intuition, ketunâ, que Saraswatî nous rend conscients de l’existence des grandes eaux. Telle est aussi probablement la signification des rayons qui viennent de la Puissance suprême au-dessus de nous et se dirigent vers la terre. Les intuitions de la connaissance sont les rayons du Soleil de la Vérité et de la Lumière. Le sens habituel du mot kratu est travail ou sacrifice mais il signifie aussi intelligence, puissance ou résolution et en particulier la force d’intelligence qui détermine l’acte de la volonté. C’est avec ce dernier sens que nous pouvons l’interpréter dans l’expression ésotérique du Vêda. Agni est la volonté du voyant, kavi-kratu, il est la « volonté du fond du cœur », kratu hridi.
Enfin, le mot shravas qui est constamment employé dans le Vêda, signifie renommée ; les commentateurs lui donnent aussi le sens de nourriture, mais ces sens ne conviennent pas à tous les passages du texte et manquent en général d’à-propos et de force appropriée. Mais la racine de shravas est shru : entendre. Shravas est employé avec le sens d’oreille ou d’hymne et de prière — sens accepté par Sâyana — et nous pouvons en déduire que le mot signifie aussi « chose entendue » ou la Connaissance qui nous est transmise par l’audition. Les Rishis se désignent eux-mêmes comme ceux qui entendent la Vérité, satyashrutah, et la connaissance reçue par cette audition se nomme Shruti. C’est cette acception de l’inspiration ou de connaissance inspirée qui doit être gardée dans la signification ésotérique du Vêda et dans ce cas nous constaterons qu’elle s’adapte au texte avec une parfaite cohérence. Ainsi lorsque le Rishi parle de shravâmsi pour désigner ce qui monte vers le Ciel ou ce qui en descend vers nous, cela ne peut s’appliquer à la nourriture ni à la renommée, mais l’expression est parfaitement adéquate et significative s’il veut parler de l’inspiration qui s’élève vers la vérité suprême ou qui nous apporte, à nous, la Vérité.
Telle est la méthode qu’il convient d’appliquer d’un bout à l’autre, mais nous ne pouvons poursuivre plus avant ce sujet ici.
Dans les brèves limites de cette introduction, ces quelques indications doivent suffire, — elles ont pour but de donner au lecteur un premier aperçu de la méthode ésotérique pour l’interprétation du Vêda.

