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La philosophie de Jacob Boehme

Koyré : Boehme - du mal, de la liberté, de l’être, du monde et de Dieu

Alexandre Koyré

lundi 4 août 2014

Extrait de « La philosophie de Jacob Boehme Boehme Jacob Boehme (1575-1624)  »

En ce qui concerne l’existence réelle du mal, la solution était relativement facile et le terrain suffisamment déblayé : le mythe de la chute et la notion de l’acte libre offraient un cadre commode d’explication. Un élément irrationnel peut être introduit dans la fabrique du monde par le moyen d’un acte irrationnel de liberté, et cela d’autant plus facilement que l’existence du monde, issue d’un acte libre (le fiat) de Dieu, est bien déjà, en quelque sorte, irrationnelle [3].

La liberté interviendra autant de fois qu’il le faudra. A côté d’une analyse métaphysique de l’Etre, Boehme Boehme Jacob Boehme (1575-1624) en fera l’histoire, et, dans l’Aurora, ainsi que plus tard dans le De Tribus Principiïs et le De Signatura Rerum, il développera une véritable cosmogonie [4]. Le monde réel et actuel, ce inonde, apparaîtra comme une étape d’un développement cosmique dont Jacob Boehme Boehme Jacob Boehme (1575-1624) nous révélera la préhistoire.


[3Boehme insiste dans tous ces écrits sur le caractère libre (non nécessaire) de la création du monde, ce qui n’empêche pas,’ cependant, que cet acte créateur soit fortement motivé dans le désir de Dieu de s’exprimer dans des créatures réelles, capables de l’aimer et qu’il soit, lui-même, capable d’aimer. « Dieu avait, soif de nos âmes... » dit Boehme (cf. Colloquium Viatorum, 11). Mais cette motivation interne, qui n’est pas celle d’une délibération, d’un raisonnement, d’une conclusion, n’implique, évidemment, ni nécessité métaphysique, ni nécessité logique. Schelling a ainsi donc profondément tort de reprocher à Boehme son « rationalisme » (cf. Philosophie der Offenbarung. Werke, Abt. II, Bd. III, p. 143). Ceci est d’autant plus injuste que la doctrine de liberté de Schelling n’est qu’une reproduction schellingienne de la pensée de Boehme.

[4Ce trait est intéressant et important : en effet, si l’on définit la mystique comme line tendance à transcender le monde (cf. Otto, West-Oestliche Mystik. Gotha, 1926, p. 196), à sortir du cosmos, Boehme n’y trouvera pas de place.