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Dante, visionnaire de l’éternité
Guardini : L’ANGE DANS LA DIVINE COMÉDIE (III)
Romano Guardini
mardi 15 juillet 2014
Extraits de « Dante Dante Dante, Alighieri (1265-1321) , visionnaire de l’éternité », de Romano Guardini. Trad. Jeanne Ancelet-Hustache
Il faut ici ouvrir une parenthèse.
Dans le sentiment et la représentation des temps modernes, les anges sont devenus pour une grande part des êtres amollis, parfois véritablement équivoques. Celui qui veut voir ce qu’ils sont en réalité, et comment ils se situent dans l’existence chrétienne, doit oublier tout ce qu’a produit l’art — pour ne rien dire des objets de piété industriels — pendant les cinq ou six derniers siècles, et s’instruire d’abord dans l’Ancien Testament. Il approfondira, par exemple, les paroles, l’événement, l’atmosphère dans le récit du combat de Jacob avec l’ange (Genèse, XXXII, 22-31). L’être qui attaque celui qui attend dans la solitude de la nuit est « un homme », inspirant la peur, fort, doué du pouvoir de bénir et voilé de mystère. C’est « l’ange du Seigneur » dont la nature ne peut être comprise ; une créature finie et cependant, comme l’indique déjà le verset XXX, de quelque manière Dieu lui-même. On ne peut donc le considérer simplement comme « un ange », mais, dans un certain sens, il en est l’archétype, car en eux tous apparaît la redoutable majesté de Dieu. Ils ne viennent pas de façon privée, pour eux-mêmes, mais Dieu vient et agit en eux. Les anges sont « messagers » dans ce sens immense qu’ils amènent de quelque manière Celui-là même qui les envoie. Quand ils viennent, c’est le redoutable très Saint, l’Etre glorieux et terrible qui vient. « Trois hommes » entrent dans la tente d’Abraham ; l’un d’eux est le Seigneur (Gen., XVIII). L’ange du Seigneur envoie la peste sur le peuple et la ville, mais c’est Dieu qui agit (II Sam., XXIV, 15-16). Un ange se tient debout devant Josué, l’épée nue, et lui ordonne de retirer ses chaussures en ce lieu saint (Josué, V, 13-15). Dans la grande vision d’Isaïe, des anges — les Séraphins — entourent le trône de Dieu, et ils crient sans cesse l’un à l’autre : « Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu des armées ! », en sorte que les fondements du sanctuaire sont ébranlés par cette immense clameur (Isaïe, VI, 1-4).
Dans le Nouveau Testament, le caractère redoutable des anges — farouche, voudrait-on presque dire parfois — s’adoucit. Mais quand l’archange Gabriel apparaît devant Zacharie à droite de l’autel de l’encens (Luc, I, 11-13) ou entre chez Marie (I, 26-38) ; quand un ange apparaît aux bergers dans les champs et que « la gloire du Seigneur les enveloppe de sa clarté » (Luc, II, 9) ; quand, au matin de Pâques, il ouvre le tombeau, son visage ayant l’aspect de l’éclair, et qu’il apparaît aux femmes (Matth., XXXVIII, 2-5), sa première parole est toujours : « Ne crains pas ! » L’être humain ne peut supporter la vue du haut messager et seule sa première parole lui en donne la force.
Dans l’Apocalypse, les figures d’ange s’élèvent de nouveau jusqu’à une puissance souveraine. Leurs dimensions en font des êtres cosmiques. Devant le livre scellé s’avance « un ange puissant, proclamant à pleine voix (V, 2). Quatre autres, aux extrémités de la terre, retiennent les vents (VII, 1). Sept sont devant Dieu avec des trompettes dont l’éclat fait tomber d’énormes fléaux sur le monde (VIII). L’un d’eux s’avance devant l’autel avec un encensoir d’or, l’emplit de feu et le lance sur la terre (VIII, 5) ; jusqu’au plus puissant qui « descend du ciel, enveloppé d’une nuée, un arc-en-ciel autour de sa tête, le visage comme le soleil, les jambes comme des colonnes de feu, le pied droit sur la mer, le pied gauche sur la terre, et qui pousse une puissante clameur pareille au rugissement du lion » (X, 1-3).
Les anges sont des êtres dont l’existence a des dimensions et l’action une sphère qui dépassent celles de l’homme. Dès qu’ils s’approchent de lui, ils le mettent en péril par la puissance de leur être. En soi, ils ne peuvent pas s’exprimer sous des formes humaines ; cependant s’ils le font, c’est sous la forme « de l’homme ». Non seulement à cause de leur force, mais aussi parce qu’ils sont subordonnés à la sphère « publique » de l’existence : au monde en tant qu’oeuvre de Dieu ; à l’histoire sacrée ; à l’existence humaine en tant que royaume du Seigneur suprême. Ils sont des auxiliaires dans l’oeuvre cosmique, des serviteurs de la souveraineté sacrée, des combattants dans l’armée du Roi de l’univers. Leur image s’affaiblit dès que le caractère privé, sentimental, s’y introduit — surtout le sentimental érotique — et qu’apparaissent ces êtres sensuels, parfois déplaisants, dont est rempli l’art des temps modernes.
L’ange est esprit, rien qu’esprit. Non pas hostile au corps, mais incorporel. La vérité, le bien, l’ordre, la beauté déterminent son existence. Il est « lumière » et « ardeur ». Ni les limites de l’espace ni celles du temps n’existent pour lui. Son domaine est toute la hauteur, la profondeur, l’ampleur de l’être et de tout sens. Il s’élève, pénètre, parcourt les étendues, ce qui s’exprime par les ailes. L’ange est celui qui vole.
Si « univers » signifie le tout du créé, il appartient aussi à l’univers. Alors les anges sont ces créatures supérieures qui, dans leur être immédiat, sont aussi inaccessibles — ne disons pas que l’homme à l’animal, car l’homme est esprit et, par là, parent de l’ange par nature — mais peut-être que le génie, sa vie et sa création, à l’homme menant une existence inerte et terre à terre. Par rapport à l’homme, ce sont des êtres devant lesquels le mot « dieux » vient aux lèvres.
En même temps, ils semblent avoir un rapport avec la création dans son ensemble : une vision totale, un pouvoir de pénétration, d’intervention, que la théologie chrétienne a expliqué en remontant à la représentation de l’Idée. Selon cette doctrine, les anges seraient en quelque sorte les archétypes de l’être, des formes et des puissances originelles qui projettent leur rayonnement et exercent une action. On en trouve l’expression dans la théorie où se fait sentir l’influence du néoplatonisme d’après laquelle, « Intelligences » au service du Créateur, ils déterminent le sens des sphères du ciel et les meuvent dans leur être. (On le montrera ci-dessous pp. 65 et suiv.) Si l’on se rappelle en outre que, pour Dante Dante Dante, Alighieri (1265-1321) comme pour la pensée médiévale en général, les sphères déterminent les événements sur la terre, lieu de l’histoire, les anges apparaissent comme les puissances originelles, au service du Créateur, de tout ce qui arrive dans le monde.
Mais nommer l’ange « esprit » n’est pas encore dire l’essentiel. En tant qu’esprit, il appartient à la création et constitue son domaine le plus élevé, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il appartient déjà au royaume de Dieu. En tant que pur esprit, il ne concerne pas l’homme, ou bien, pour reprendre encore une fois l’image déjà employée, il est avec lui dans le même rapport que le génie et son domaine avec l’homme inerte et terre à terre : il est une région intangible d’une existence supra-humaine. L’Écriture ne parle d’ailleurs pas de cet ange. Saint Augustin dit de lui qu’il est « dans un état oscillant d’inconsistance spirituelle » et est là un « obscur chaos » [1]. Tel était l’ange dans cet instant d’une brièveté inconcevable « après » sa création par Dieu et « avant » sa décision à l’égard de Dieu. L’ange dont parle l’Écriture est celui qui s’est tourné dans la foi, l’amour et l’obéissance « vers Celui de qui vient toute vie et par l’illumination de qui il est devenu vie belle, ciel des cieux », dit Augustin dans le même passage. Maintenant seulement, il est « immortel » au sens biblique. Maintenant seulement, il a ce caractère grâce auquel il concerne l’homme de par la Révélation — et désormais chaque homme, même l’homme sans génie, même le plus terre à terre. Maintenant seulement il est saint. Et non pas à cause de son propre caractère numineux, mais à cause de la grâce par laquelle il participe à la vie sainte de Dieu, le contemple, l’aime et le sert. C’est seulement à cause de cette grâce, souffle de l’Esprit-Saint, qu’il devient cet « esprit » et, par là, concerne non pas les poètes, les philosophes, les esthètes et, récemment, les snobs de la religiosité, mais les enfants de Dieu ; esprit dans l’Esprit-Saint, esprit spirituel.
La puissance de ce caractère spirituel sacré, la force de cette contemplation, de cet amour, de cette louange, l’élan de ce mouvement immense avec lequel il suit l’Esprit de Dieu « qui pénètre les profondeurs divines » (I Cor., II, 10), c’est lui, vraiment, qui s’exprime par les ailes, comme aussi par la lumière et l’ardeur et la beauté de l’ange.
Une telle dégradation de la figure de l’ange a débuté de bonne heure. Si nous considérons l’art plastique comme l’expression des formes régnantes du sentiment et de la pensée, nous trouvons sans doute dans les mosaïques de l’antiquité chrétienne la norme d’une représentation conforme à sa nature. Ici, l’ange est vu comme un être rempli de Dieu et dans sa grandeur céleste. Le caractère redoutable, presque farouche, de l’Ancien Testament, est adouci par la paix de l’adoration, mais son aspect est absolument surhumain. Comme il s’agit des représentations dans les églises d’une époque dont la vie religieuse, du moins selon la mesure où elle s’exprimait là, était complètement déterminée par la liturgie, cette représentation a un caractère hiératique, souligné encore par la rigueur du cérémonial à la cour de Byzance. Elle est toute pénétrée d’esprit contemplatif, elle est l’expression du plus profond recueillement, d’une contemplation, d’un amour, d’une louange pleins de leur objet. Ces anges se tiennent debout devant Dieu. Leur mobilité est intérieure, semblable à celle qui vibre dans les représentations des dieux et des souverains sur leur trône dans l’art égyptien.
Ce grand calme, rempli de la présence et du mouvement de l’existence, se perd ensuite. La vie devient plus active, son mouvement tend vers un autre. De même que, au lieu de trôner, les dieux et les souverains sont représentés assis, acte transitoire entre venir et aller, la station debout hiératique et le geste sacral se détendent, et l’image de l’ange se met en mouvement vers un but. Peut-être cette phase commence-t-elle dans l’art roman, elle se trouve encore chez Giotto, ami de jeunesse de Dante Dante Dante, Alighieri (1265-1321) . Ses anges ont encore une grandeur mystérieuse, mais ils ont abandonné l’attitude hiératique et sont entrés en action. Sur les tableaux de Grùnewald, ils ont déjà un mouvement vif, mais plein encore d’une ardeur animée par l’esprit. Les anges du Greco et de Rembrandt apparaissent déjà dans une large mesure déterminés psychologiquement — alors que les anciennes représentations ignorent tout de la psychologie, ne sont que réalité, vérité, puissance et lumière — mais ils appartiennent encore à la sphère de la vision. Ailleurs, chez la plupart des artistes, leur aspect relève totalement de ce monde ; il est devenu terrestre, « naturel », quelle que soit l’intention religieuse qui l’inspire. Dans le meilleur cas, ce sont de pieux humains ou des êtres de légende, mais ils ne viennent plus du ciel, du mystère du Saint-Esprit. En même temps, leur image a de plus en plus glissé vers le joli, le touchant, petit, charmant — pour ne pas parler des ambiguïtés du baroque et du rococo. Le seul art où se soit maintenue la grande tradition est sans doute celui des icônes orientales, quoique, ici encore, une décadence semble se produire : celle d’un maniérisme baroque particulier dans un schéma qui s’est figé [2].
A côté de ce mouvement — peut-être est-il plus exact de dire : après que, par ce mouvement, l’image de l’ange s’est perdue dans le profane, une autre se fait jour, qui transforme l’ange en une figure mythologique. Si nous négligeons ses précédents dans les représentations des cours et des milieux cultivés à l’époque de la Renaissance et des « lumières », le premier pas décisif a sans doute été fait par Hölderlin Hölderlin Hölderlin, Friedrich (1770-1843) . Chez lui, les anges réapparaissent avec une grandeur étrange et sont toujours en rapport avec l’histoire du pays, de la ville, de la terre natale : ce sont les « anges de la patrie ». L’élément biblique de la prophétie — par exemple l’ange du royaume des Perses (Daniel, X, 13) et de l’Apocalypse, a laissé en eux son souvenir. Mais leur signification se situe absolument dans le profane. Ce sont les héros divinisés de l’histoire du pays qui demeurent liés à celle-ci comme modèles et protecteurs [3].
Après plus d’un siècle, R. M. Rilke s’achemine de même vers une conception mythologique. Dans sa poésie, surtout celle de la période plus tardive et particulièrement dans les Elégies de Duino, l’ange réapparaît sans cesse. Plus sa figure grandit, plus il ressort aussi qu’ « il n’a rien à faire avec l’ange du ciel chrétien ». Il est bien plutôt cet être « qui se porte garant qu’il faut reconnaître dans l’invisible un niveau supérieur de réalité » [4].
Ces anges sont à leur tour remplis d’énergie numineuse, grands, voire redoutables, leur majesté est mortelle pour l’homme, mais ils ont abandonné leur rapport avec le Dieu vivant de l’Écriture, avec la grâce. On dirait volontiers qu’ils sont fixés en cet « instant » où ils n’avaient pas encore pris le parti de Dieu et ils sont considérés seulement comme des êtres supérieurs. Tandis que, pour le sentiment universel, les anges étaient encore liés à la Révélation, en sorte que la culture étrangère à la Révélation ne pouvait avoir affaire à eux, cette poésie est au plus profond d’elle-même si résolument non-biblique, qu’elle peut à son tour les considérer positivement, mais comme des êtres appartenant uniquement à ce monde : Hölderlin Hölderlin Hölderlin, Friedrich (1770-1843) en tant que puissances de l’histoire, Rilke en tant que garants de la totalité d’un monde qui embrasse le visible et l’invisible en une grande unité et « seulement alors est sauvé » [5]. Peut-être est-il permis de supposer que nous sommes en présence d’une brèche par où la Polymorphie religieuse pénètre dans la conscience chrétienne, par où arrivent de nouveau « des dieux » venus « d’en haut », en quelque sorte, ou « de l’autre côté », tandis qu’une autre brèche se situe de ce côté-ci, venue de nous, là où l’homme devient surhomme ou dieu-homme, comme l’annoncent le Kiriloff de Dostoïevski et le Zarathoustra de Nietzsche. Ces anges sont des êtres numineux et ont leur mission dans ce tout qui seul constitue la réalité : le monde qui n’a pas besoin du Dieu unique parce qu’il est rempli de dieux et lui-même supradivin.
On a fait remarquer que les anges de l’Écriture, comme ceux de la théologie et de la conception populaire, renferment des éléments étrangers au christianisme. On pourrait en prendre ombrage seulement du point de vue d’un purisme étranger à l’histoire qui exigerait un christianisme « pur » — impossible à concevoir et à réaliser dans la vie — et considérerait tout apport d’une substance de ce monde comme une dégradation. C’est le contraire qui est vrai. Ce qui vient du Christ doit être « semence » et « levain », c’est-à-dire accueillir en soi la substance du monde, pénétrer la réalité du monde — de telle sorte, il est vrai, et tout le temps que, par là, l’essentiel du christianisme n’est pas altéré. Mais dès que, par un processus comme celui qui vient d’être décrit, le véritable contenu du monde échappe à la norme que toute représentation chrétienne du monde possède dans la foi, dès que cette norme tombe dans le profane, ces éléments extra-chrétiens, qui, grâce à elle, avaient passé de la période d’ « Avent » à la « plénitude des temps » et étaient baptisés, prennent un autre caractère : ils deviennent de nouveau païens. « De nouveau », c’est-à-dire que ce paganisme signifie autre chose que celui de « l’Avent ». Maintenant, dans ces représentations de l’ange, les divinités assyriennes, persanes et indiennes peuvent effectivement acquérir une puissance dont l’effet dans l’âme qui n’a plus ni direction ni sauvegarde ne peut être évalué.
Cette parenthèse était longue, mais nécessaire. Elle devait montrer que ce n’était pas un intérêt esthétique ou d’érudition historique qui nous a poussé à étudier la figure de l’ange dans le poème de Dante Dante Dante, Alighieri (1265-1321) .
Ses anges sont intégralement chrétiens. Ils sont « les serviteurs célestes », les phalanges du Dieu vivant, les premières créatures résolument saintes du Souverain de l’univers.
Et ils sont encore réellement des anges remplis de l’Esprit, d’une majesté surhumaine.
Selon leur caractère, ils sont tout proches de ceux de son ami Giotto. Ils ont renoncé à leur fixité hiératique, ils se hâtent et agissent, mais ainsi qu’on peut l’attendre d’êtres célestes. Ils sont beaux et bienheureux, mais dans la pureté du sérieux chrétien.
L’ange du bateau des âmes est l’un d’entre eux, comme l’était précédemment le messager devant la ville de Dis.
Sa nature est évoquée en peu de paroles, mais nettement. Il est plein d’amour, mais d’un amour grand et austère. Il a quelque chose de très chaste dans sa réserve, son allée et venue rapide.


VOIR AVANT : CHAPITRE II
[1] ... spiritualis informitatis vagabunda deliquia. Confessions, XIII, 5 (6).
[2] A cet endroit, je voudrais aussi attirer l’attention sur le beau récit où la nature de l’art déterminé par l’Esprit ressort dans une clarté véritablement phénoménologique : L’Ange au sceau, de Nikolai Lesskow t. 4 des Œuvres complètes (Beck, Munich, p. 221 et suiv.).
[3] Cf. Guardini, Friedrich Hölderlin, Weltbild und Frömmigkeit, (Image du monde et piété), 1939, p. 158 et suiv.
[4] Lettre à Witold von Hulewicz : Briefe aus Muzot, (1921 bis 1926), Leipzig, 1935, p. 337.
[5] Ib., p. 333. A quel point cette « existence supérieure » est, il est vrai, problématique, combien est réduite la connaissance que ses poètes ont de l’esprit et de ses rapports avec Dieu, et savent d’ailleurs peu ce qu’ils font en vérité — on se contentera de l’indiquer en passant.