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PERSONNE ET ACTE

Wojtyla : L’expérience de l’homme

Karol Wojtyla

dimanche 3 août 2014

Extrait de « PERSONNE ET ACTE »

 Expérience et compréhension

L’expérience de soi-même ne laisse pas cependant d’être expérience de l’homme, et ne franchit pas les limites de cette expérience qui comprend tous les hommes ou tout simplement l’homme. Il en va ainsi certainement en raison de la part prise par l’esprit humain dans les actes de l’expérience de l’homme. Il est difficile de dire quelle stabilisation dans le champ de l’objet d’expérience peuvent à eux seuls assurer les sens, aucun homme en effet ne sait à partir de sa propre expérience comment se présente et à quoi se limite l’expérience purement sensible qui est celle de l’animal. Cependant une certaine stabilisation se produit, mais c’est tout au plus une stabilisation au niveau des individus particuliers qui regroupent des ensembles donnés de qualités sensibles (c’est de cette façon par exemple qu’un chien ou qu’un cheval distingue « son maître » d’un« étranger »). La stabilisation des objets expérimentaux qui est propre à l’expérience humaine est foncièrement différente, elle procède par différenciation et classification intellectuelles. En vertu justement d’une telle stabilisation, l’expérience que fait le sujet de son propre « Je » se maintient dans les limites de l’expérience de « l’homme », ce qui permet ensuite à ces expériences de se recouvrir l’une l’autre.

Une telle interférence des expériences, comme conséquence de la stabilisation « spécifique » de l’objet, constitue la base de la formation de la connaissance de l’homme tout à la fois à partir de ce que fournit l’expérience de l’homme que je suis, et l’expérience de tout homme qui n’est pas moi. Il convient de signaler qu’en elle-même la stabilisation de l’objet d’expérience par l’entendement n’est aucunement la preuve d’un a priori cognitif, mais seulement la preuve de la participation indispensable de l’esprit, de l’élément intellectuel, dans toute la connaissance humaine, dans la formation des actes constitutifs de l’expérience, c’est-à-dire de ces contacts cognitifs immédiats avec la réalité objective. C’est à cet élément intellectuel que nous devons la foncière identité d’objet de l’expérience de l’homme dans les deux cas, c’est-à-dire aussi bien quand le sujet de cette expérience s’identifie avec l’objet que quand il s’en distingue.