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La magie espirituel et angélique

Walker : Théorie générale de la magie naturelle

Daniel Pickering Walker

mardi 5 août 2014

Extrait de « La magie espirituel et angélique ». Trad. Marc Rolland.

Ce schéma est valable pour une magie naturelle, non démo-nique ; mais il peut être modifié pour convenir à la magie démo-nique, si l’on remplace par des anges ou des démons les influences planétaires impersonnelles et « spirituelles ». Les démons seraient alors attirés ou contraints par les diverses forces et produiraient leurs effets en agissant non seulement sur le corps et l’esprit mais aussi sur les parties supérieures de l’âme. Dans le présent schéma de magie naturelle, les planètes et l’opérateur ne sont censés agir directement sur rien de supérieur à l’esprit, qui est le véhicule de l’imagination. Les effets produits sur les choses inanimées ou directement sur les corps (sauf par la vis rerum) sont plus difficiles à expliquer que les effets psychologiques si l’on ne prend en compte un agent surnaturel (angélique, démoniaque ou divin) ; ceci est également vrai des effets psychosomatiques les plus curieux ou anormaux, par exemple les stigmates ou les maladies nerveuses, par opposition au fait de rougir ou de dormir. Il existe donc une forte tendance à cantonner les effets de la magie naturelle dans les catégories purement psychologiques, ou psychosomatiques les plus ordinaires. Les effets les plus miraculeux pourraient être expliqués comme naturels, mais seulement par la prise en compte d’une puissance dans l’esprit humain qui n’était généralement pas admise.

Les divisions A et B des vires imaginum, verborum, musices, rerum, ne représentent pas toutes la même distinction, mais elles ont ceci de commun : les forces A de toutes les choses sont ordinaires et universellement acceptées, et bien qu’elles puissent être utilisées à des fins magiques, elles peuvent produire, et produisent, des effets que nul ne considérait comme magiques ; alors que les forces B, bien que n’étant pas toutes nécessairement magiques, ne sont pas reconnues universellement comme réelles ou légitimes, et leur usage est pour le moins suspect d’être magique. Tout effet transitif produit par la seule vis imaginativa (par ex. la télépathie) est évidemment magique. Les types A et B de forces identiques ou différentes peuvent se combiner dans la même opération.

Les types A des vires imaginum, musices, verborum, peuvent produire des effets esthétiques, affectifs ou intellectuels par les moyens ordinaires de, respectivement, la peinture (ou tout autre art visuel), la musique ou le chant, l’éloquence ou la poésie ; le type A de la vis rerum peut produire des effets ordinaires à travers les qualités élémentaires de ce qui est appliqué, comme dans toute activité courante (par ex. la cuisine, ou la médecine non astrologique). Les emplois de ces formes A ne sont susceptibles d’être considérés comme magiques que si les influences planétaires sont combinées avec eux, c’est-à-dire s’il s’agit de peinture, de musique astrologiques, etc. La peinture, la musique et l’éloquence peuvent recevoir une force astrologique (s’ils viennent à exprimer le caractère, le ethos, d’une planète particulière) ; elle peut être octroyée à un processus élémentaire par l’emploi des correspondances traditionnelles entre les planètes et les qualités élémentaires.

Les forces de type B sont plus diverses et doivent être examinées séparément. La division B du vis rerum produit des effets à travers les qualités occultes des choses, c’est-à-dire leurs forces ou leurs vertus, autres qu’élémentaires ; on pense généralement que ces qualités sont dues aux planètes, correspondent au caractère d’une certaine planète et sont utilisées pour induire ou renforcer l’influence de la planète requise. Leur simple usage, sans intervention de l’imagination de l’opérant ou du patient, n’est pas nécessairement magique, comme l’emploi de médecines préparées astrologiquement qui n’ont d’effets que sur le corps ou l’emploi d’un aimant pour extraire un métal d’une blessure. Mais le classement de ces cas est très incertain car ce n’est que très rarement, pour ainsi dire jamais, que l’on peut exclure l’imagination avec certitude. En médecine la crédulité ou la foi du patient dans le remède est toujours d’une importance cruciale. On peut même, comme le faisait Gilbert, considérer que l’aimant agit comme une âme ou, plus précisément, comme un fragment de l’Ame de la Terre. Les emplois clairement magiques du type B du vis rerum se font quand il est dirigé, habituellement combiné avec d’autres forces, vers l’imagination de l’opérant ou du patient, comme quand, par exemple en magie ficinienne, des groupes de plantes, aliments, animaux, odeurs, solaires, joviens ou vénériens, sont utilisés en conjonction avec de la musique et des talismans planétaires. L’importance magique essentielle des qualités occultes réside dans le regroupement conséquent d’objets planétaires, qui peuvent alors être utilisés par les autres forces ; on peut, ainsi, rendre un tableau, une chanson ou un discours solaires en représentant des objets solaires (héliotrope, miel, coqs, etc.) ou on pourrait se contenter de s’asseoir et de les imaginer — dans les deux cas l’imagination deviendrait plus solaire. Ces groupes d’objets peuvent aussi inclure des êtres humains, que l’on peut utiliser de la même façon.

La division B de la vis imaginum produit des effets au moyen de choses telles que les talismans, les statues animées du haut du ciel, les ars notoria. La distinction entre les types A et B de cette force est, comme toutes celles que je fais, loin d’être claire et nette ; mais, entre les deux, cette différence existe. La force A d’une image est proportionnelle à la réussite, à la beauté de la représentation ou de l’expression de son sujet, même si cela est astrologique et destiné à servir un but magique. La force d’une image B réside uniquement dans ses affinités astrologiques ; ses formes ne sont souvent pas du tout figuratives (par ex. les sceaux d’ars notoria, les amulettes de Paracelse), et, même si elles le sont, l’exactitude ou la beauté de la représentation n’ajoute rien à leur efficacité6. Les autres forces, de l’imagination, des mots, de la musique, des choses, sont souvent appliquées lors de sa confection ou utilisés pour renforcer le pouvoir astrologique de l’image.

Du fait que, sur les talismans, sont inscrits habituellement des mots, des lettres ou des caractères aussi bien que des figures, ils se rattachent à la vis verborum et sont donc, comme elle, susceptibles d’être accusés de magie démoniaque. Les mots ou les lettres, n’étant pas représentatifs, c’est-à-dire n’ayant pas de correspondance point par point avec une planète ou un objet planétaire, ne peuvent être efficaces que par l’intermédiaire d’un être intelligent, qui comprend leur signification, à savoir un être humain, un ange planétaire ou un démon trompeur. Une des façons d’éviter cette accusation est d’en cantonner les effets à l’opérant ou aux patients humains qui voient aussi le talisman dont ils peuvent comprendre les signes, et qui devient efficace de par leur intelligence ; ceci exclut les effets sur les choses inanimées, sur le corps, ou à distance. L’autre moyen de s’en sortir est donné par la division B de la vis verborum. Ce type de force verbale repose sur une théorie du langage selon laquelle il existe un lien réel non conventionnel entre les mots et ce qu’ils désignent ; en outre le mot n’est pas simplement une qualité de la chose qu’il désigne, telle que sa couleur ou son poids ; il est, ou représente exactement, son essence ou sa substance8.

Par conséquent, une formule de mots peut n’être pas seulement un substitut adéquat pour les choses désignées : elle peut être encore plus puissante. Au lieu de rassembler des groupes d’objets planétaires, nous pouvons, en les appelant correctement par leur véritable nom ancien, obtenir une force céleste encore plus grande. Ici encore, bien que cet usage de mots se prête évidemment à la magie, il n’est pas nécessairement magique ; et bien qu’il soit distinct des emplois courants opérationnels du langage, tels que le discours affectif ou la poésie, il peut se combiner avec eux au cours d’une opération magique — un poème, par exemple, peut être à la fois une ouvre d’art expressive et une incantation, comme, disons, un hymne, qui exprime à la fois le caractère d’un dieu ou d’une planète et contient ses noms anciens et véritables.

La division B des vis musices demeure, pour autant que je sache, purement théorique. C’est une théorie qui propose de produire des effets au moyen de la correspondance numérique et mathématique entre les mouvements, distances et positions des corps célestes et les proportions des intervalles consonants en musique. On expliquait que cette correspondance fût physiquement opérationnelle, par l’analogie avec les vibrations sympathiques de cordes. Cette théorie fait partie d’une plus vaste théorie cosmologique, qui suppose que tout l’univers est construit sur ces proportions musicales et qui fournit la base théorique la plus courante pour la magie sympathique. Une des raisons pour lesquelles cette théorie n’aboutit pas à une musique concrète est que la représentation musicale d’un état quelconque donné du ciel ne fournissait qu’une seule corde et ne suggérait aucune mélodie ou aucun mode particuliers. Les pratiques magiques impliquant de la musique, comme celle de Ficin, avaient donc recours au vis musices A, qui, à travers le texte du chant ou de l’hymne, se combinait avec les vis verborum A et B.