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Erôs et Agapè - Anders Nygren

L’originalité de la communion chrétienne avec Dieu.

L’ « AGAPÈ » ET LA COMMUNION AVEC DIEU.

mercredi 26 septembre 2007

Erôs et Agapè
La notion chrétienne de l’amour et ses transformations
Anders Nygren
Aubier, 1944

Pour comprendre le sens de l’idée d’agapè, il faut examiner de plus près la nature de cette communion nouvelle avec Dieu. Quelle est la cause de ce renversement des valeurs, de cette transformation de la communion avec Dieu ? Pourquoi sont-ce précisément les pécheurs qui sont appelés ? L’idée ancienne qu’une bonne conduite nous rend agréables à Dieu et nous permet d’entrer dans Sa communion, est si naturelle qu’elle paraît se passer de démonstration. Or, Jésus renverse radicalement ce rapport naturel et fait en sorte que les pécheurs bénéficient de la communion avec Dieu, et que les justes en sont exclus. On est donc amené, bon gré mal gré, à se demander la raison de ce renversement surprenant. N’est-elle qu’un simple changement de valeur fondé sur une façon de sentir différente ? Est-ce un refus inopiné opposé à un ordre de valeurs autrefois admis ? Ou bien, la nature du pécheur renferme-t-elle quelque chose qui lui donne, devant Dieu, plus de valeur qu’au juste ? Cette dernière explication a trouvé de nombreux partisans. Il est intéressant de voir comment l’un d’eux expose son point de vue. Adressons-nous donc au penseur catholique Max Scheler. Il est de ceux qui ont le mieux compris le sens de l’idée chrétienne l’agapè. Quand il traite du « ressentiment dans la morale », il s’efforce d’expliquer pourquoi le pécheur est meilleur que le juste. Son explication est la suivante : « Le pécheur notoire confesse toujours le mal qui est en son âme. Je ne songe pas seulement à une confession orale devant un tribunal, mais aussi à une confession devant soi-même, à la confession par l’acte auquel a aboutit la volonté coupable. La faute qu’il confesse peut être un péché grave. Le seul fait qu’il confesse qu’il est déjà pécheur, quand son cœur est coupable, loin d’être mauvais, est bon ! Il purifie son cœur et enraye la progression du mal qui s’attaque toujours plus profondément à la personne de celui qui refoule au-dedans de soi les mauvais désirs... C’est pourquoi il vaut mieux, au regard de Dieu, pécher et se repentir — la repentance n’a-t-elle pas son origine dans le péché commis, dans la mesure où il doit être confessé ? — que refouler les désirs coupables, ce qui corrompt le cœur de l’homme ; cette corruption peut parfaitement aller de pair avec la conscience d’être bon et juste... devant la Loi. C’est pourquoi il est dit qu’ « il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur que pour raille justes », et que : « Celui qui n’a pas grand besoin de pardon, n’a pas non plus beaucoup aimé. »