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JE SUIS
Nisargadatta : la sensation de « je suis »
Chapitre 1
samedi 24 mars 2018
Français
Q : Avant de m’éveiller j’étais inconscient.
M : Dans quel sens ? D’avoir oublié, ou de n’avoir rien ressenti ? Même inconscient, ne ressentez-vous rien ? Pouvez-vous exister sans connaître ? Un trou de de mémoire est-il une preuve de non-existence ? Et pouvez-vous vraiment. parler de votre propre non-existence comme d’une expérience réelle ? Vous ne pouvez même pas dire que votre mental n’existait pas. Est-ce un appel qui vous a réveillé ? Et en vous réveillant n’est-ce pas la sensation « je suis » qui s’est d’abord manifestée ? Une sorte de graine de conscience devait exister, même pendant votre sommeil ou votre évanouissement. Au réveil l’expérience se déroule ainsi « Je suis... le corps... dans le monde ». Cela peut avoir l’apparence d’une succession, mais, en fait, il y a simultanéité : l’idée d’avoir un corps dans le monde. Peut-il y avoir la sensation du « je suis » s’il n’y a pas quelqu’un ou quelque autre chose ?
[...]
M : N’est-il pas important pour vous de savoir si vous n’êtes qu’un simple corps ou quelque chose d’autre ? Ou peut-être rien du tout ? Ne voyez-vous pas que tous vos problèmes sont ceux de votre corps nourriture, vêtements, maisons, amis, nom, réputation, sécurité, survie, tout cela perd son sens quand vous réalisez que vous pouvez ne pas être qu’un simple corps.
Q : Quel bénéfice tirerai-je de savoir que je ne suis pas ce corps ?
M : Même dire que vous n’êtes pas le corps n’est pas tout à fait vrai. D’une certaine manière vous êtes tous les corps, les cœurs, les esprits, et bien plus encore. Plongez profondément dans la sensation je suis et vous trouverez. Comment retrouvez-vous une chose égarée ou oubliée ? Vous la gardez présente à l’esprit jusqu’à ce qu’elle vienne à vous. La sensation d’être, du je suis est la première à émerger. Demandez-vous d’où elle vient, ou contentez-vous de la contempler avec calme. Lorsque le mental se fixe, immobile, sur je suis vous entrez dans un état que vous ne pouvez exprimer mais que vous pouvez expérimenter. Tout ce que vous avez à faire, c’est d’essayer sans relâche. Après tout, cette sensation je suis vous est toujours présente, mais vous y avez greffé toutes sortes de choses corps, sentiments, pensées, opinions, possessions intérieures ou extérieures, etc. A cause d’elles, vous vous prenez pour ce que vous n’êtes pas.
Q : Mais alors que suis-je ?
M : Il vous suffit de savoir ce que vous n’êtes pas. Vous n’avez pas besoin de savoir ce que vous êtes. Car tant que connaissance signifie description en fonction de ce qui est déjà connu, perceptions ou concepts, il ne peut y avoir connaissance de soi, car ce que vous êtes ne peut être décrit que comme une négation de tout. Tout ce que vous pouvez dire c’est Je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela vous ne pouvez raisonnablement dire : « Voilà ce que je suis ». Cela n’a tout simplement aucun sens. Ce que vous pouvez désigner par « ceci » ou « cela » ne peut pas être vous. Pas plus que vous ne pouvez être « quelque chose d’autre ». Vous n’êtes rien d’imaginable. Cependant, sans vous, il ne peut y avoir ni perception ni imagination. Vous observez votre cœur sentir, votre mental penser, votre corps agir ; le fait même de percevoir montre que vous n’êtes pas ce que vous percevez. Peut-il y avoir expérience ou perception sans vous ? Une expérience « doit appartenir à » Quelqu’un doit venir la réclamer comme sienne. Sans l’expérimentateur l’expérience n’a pas de réalité. C’est l’expérimentateur qui donne sa réalité à l’expérience. De quelle valeur serait pour vous une expérience que vous ne pourriez pas avoir ?
Q : La sensation d’être expérimentateur, la sensation du je suis n’est-ce pas aussi une expérience ?
M : Évidemment toute chose expérimentée est une expérience. Et chaque expérience manifeste son expérimentateur. La mémoire crée l’illusion de la continuité. En réalité chaque expérience a son propre expérimentateur et l’impression d’identité est due au facteur commun qui est à la racine de toute relation expérienceéxpérimentateur. Identité et continuité ne sont pas la même chose. De même que chaque fleur possède sa couleur propre mais que toutes les couleurs sont causées par la même lumière, des expérimentateurs apparaissent dans la conscience pure indivisée et indivisible, séparés dans la mémoire, identiques dans leur essence. Cette essence est la racine, la base, la possibilité intemporelle et non-spatiale pour toute expérience d’apparaître.
Q : Comment puis-je l’atteindre ?
M : Vous n’avez pas à l’atteindre, vous l’êtes. Cela viendra à vous si vous lui donnez une chance. Débarrassez-vous de votre attachement à l’irréel et le réel prendra sa place rapidement et sans heurt. Cessez d’imaginer que vous existez, ou que vous faites ceci ou cela, et vous réaliserez que vous êtes la source et le cœur de toute chose. Il vous viendra alors un grand amour qui ne sera ni un choix, ni une prédilection, ni un attachement, mais un pouvoir qui rend toute chose aimable et digne d’amour.
Original
Q : Before waking up I was unconscious.
M : In what sense ? Having forgotten, or not having experienced ? Don’t you experience even when unconscious ? Can you exist without knowing ? A lapse in memory : is it a proof of nonexistence ? And can you validly talk about your own nonexistence as an actual experience ? You cannot even say that your mind did not exist. Did you not wake up on being called ? And on waking up, was it not the sense ‘I am’ that came first ? Some seed consciousness must be existing even during sleep, or swoon. On waking up the experience runs : ‘I am — the body — in the world.’ It may appear to arise in succession but in fact it is all simultaneous, a single idea of having a body in a world. Can there be the sense of ‘I am’ without being somebody or other ?
[...]
M : Is it not important to you to know whether you are a mere body, or something else ? Or, maybe nothing at all ? Don’t you see that all your problems are your body’s problems — food, clothing, shelter, family, friends, name, fame, security, survival — all these lose their meaning the moment you realize that you may not [2] be a mere body.
Q : What benefit there is in knowing that I am not the body ?
M : Even to say that you are not the body is not quite true. In a way you are all the bodies, hearts and minds and much more. Go deep into the sense of ‘I am’ and you will find. How do you find a thing you have mislaid or forgotten ? You keep it in your mind until you recall it. The sense of being, of ‘I am’ is the first to emerge. Ask yourself whence it comes, or just watch it quietly. When the mind stays in the ‘I am’, without moving, you enter a state which cannot be verbalized but can be experienced. All you need to do is to try and try again. After all the sense ‘I am’ is always with you, only you have attached all kinds of things to it — body, feelings, thoughts, ideas, possessions etc. All these self-identifications are misleading. Because of them you take yourself to be what you are not.
Q : Then what am I ?
M : It is enough to know what you are not. You need not know what you are. For, as long as knowledge means description in terms of what is already known, perceptual, or conceptual, there can be no such thing as self-knowledge, for what you are cannot be described, except as total negation. All you can say is : ‘I am not this, I am not that’. You cannot meaningfully say ‘this is what I am’. It just makes no sense. What you can point out as ‘this’ or ‘that’ cannot be yourself. Surely, you can not be ‘something’ else. You are nothing perceivable, or imaginable. Yet, without you there can be neither perception nor imagination. You observe the heart feeling, the mind thinking, the body acting ; the very act of perceiving shows that you are not what you perceive. Can there be perception, experience, without you ? An experience must ‘belong’. Somebody must come and declare it as his own. Without an experiencer the experience is not real. It is the experiencer that imparts reality to experience. An experience which you cannot have, of what value is it to you ?
Q : The sense of being an experiences, the sense of ‘I am’, is it not also an experience ?
M : Obviously, every thing experienced is an experience. And in every experience there arises the experiencer of it. Memory creates the illusion of continuity. In reality each experience has its own experiencer and the sense of identity is due to the common factor at the root of all experiencer-experience relations. Identity and continuity are not the same. Just as each flower has its own colour, but all colours are caused by the same light, so [3] do many experiencers appear in the undivided and indivisible awareness, each separate in memory, identical in essence. This essence is the root, the foundation, the timeless and spaceless ‘possibility’ of all experience.
Q : How do I get at it ?
M : You need not get at it, for you are it. It will get at you, if you give it a chance. Let go your attachment to the unreal and the real will swiftly and smoothly step into its own. Stop imagining yourself being or doing this or that and the realization that you are the source and heart of all will dawn upon you. With this will come great love which is not choice or predilection, nor attachment, but a power which makes all things love-worthy and lovable.

