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Histoire de la Philosophie - La Philosophie Byzantine
Élie l’Ecdicos
Basile Tatakis
mercredi 26 septembre 2007
Extrait de « Histoire de la Philosophie », Fascicule supplémentaire - La Philosophie Byzantine, de Basile Tatakis
Il s’ensuit que l’homme de la vie active (o praktikos) peut aisément soumettre l’esprit à la prière, alors que le contemplatif soumet la prière à l’esprit ; le premier pousse l’esprit à saisir les raisons des corps, alors que le second le pousse à concevoir les incorporels, ces incorporels n’étant que les raisons des choses, leurs qualités et leurs substances. Il y a là un progrès de spiritualisation, qui fait penser à la dialectique platonicienne.
Il s’ensuit que l’homme de la vie active ne peut avancer, que jusqu’à un certain moment de l’ascension ; il s’arrêtera quelque part avant d’obtenir la perfection. Cette perfection est donnée au seul contemplatif. Quand l’esprit se réfléchit sur lui-même, quand il se ressaisit, il ne contemple pas des objets, pas même ceux qui viennent de la région des raisonnements ; il contemple seulement des esprits nus, des splendeurs divines qui jaillissent la paix et la grâce à la fois. C’est au terme de la pratique que ces contemplations viennent embrasser l’esprit, et quoiqu’elles ressemblent à des rayons de soleil qui viennent du dehors de l’horizon, ce ne sont que des rayons, qui ont leur source dans l’esprit lui-même. Il est vrai que pratique et théorie doivent coopérer, car ni la première n’est solide sans la seconde, ni cette dernière n’est vraie sans la première. Néanmoins le terme de la première est la mortification des passions, tandis que le terme de la théorie est la contemplation des vertus (5). Le contemplatif s’élève par les raisons des choses aux incorporels ; c’est alors que le Verbe se laisse voir, le Verbe vers qui toute âme de mérite se hâte de s’évader. En s’évadant vers Dieu, le contemplatif se passe de raisonnements, comme le soldat de ses armes après le combat. Il se trouve alors dans le Paradis, qui n’est que la contemplation des intelligibles ; c’est alors qu’est effectuée la prière dans la contemplation et la contemplation de Dieu dans la prière, c’est ce qui est l’acte propre de l’esprit. Dans ce Paradis seul le contemplatif a accès ; il y entre du dedans en prière. L’homme de la pratique n’y a pas accès ; il n’est qu’un passant, qui essaie de jeter un regard du dehors, mais n’y parvient pas, empêché qu’il est par la barrière de son âge spirituel.
Au lieu d’une élaboration spirituelle de la pratique, telle que les catholiques l’ont donnée plus tard, et malgré la coopération requise entre la pratique et la théorie, nous avons, non pas une opposition mais une hiérarchie, qui va de la pratique à la théorie.
Le primat ainsi conféré à la Contemplation, une contemplation qui malgré son élan dialectique ne laisse pas d’être mystique, annonce d’une manière assez nette la disposition hésychaste. Toutefois il faut voir en Élie l’Ecdicos un effort très remarquable, pour la renaissance d’un idéalisme d’inspiration platonicienne, dont l’hésychasme n’était pas le plus valable aboutissement.

